88. Arrêt | |
du 14 septembre 1898,
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dans la cause Antoine contre Worth.
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Art. 2 et 4, al. 2 du traité susindiqué. -- Etablissement commercial du défendeur en Suisse ? -- Action personnelle concernant la propriété ou la jouissance d'un immeuble?
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Sachverhalt | |
Le défendeur au présent recours, J.-P. Worth, possède la propriété de Promenthoux, près Prangins (Vaud) ; il est Français et a son domicile ordinaire à Paris. Le recourant est également Français, et domicilié à Paris.
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Le 4 octobre 1897 C.-A. Antoine a ouvert, devant les tribunaux vaudois (Cour civile), une action tendant à ce que ![]() ![]() | |
Par demande exceptionnelle, du 21 octobre 1897, J.-A. Worth a conclu à ce qu'il soit prononcé :
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1. Que la Cour civile est incompétente pour connaître des conclusions prises contre lui par C.-A. Antoine. 2. Qu'en conséquence C.-A. Antoine est renvoyé à mieux agir. | |
Le défendeur Worth invoquait, à l'appui de cette exception, les considérations résumées ci-après :
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Le contrat de louage de services, que C.-A. Antoine estime pouvoir invoquer à l'appui des conclusions de sa demande, a été conclu à Paris. Le demandeur et le défendeur sont citoyens français, et tous deux, notamment le défendeur, ont leur domicile à Paris ; ce dernier n'exploite aucun établissement commercial en Suisse. Il ne peut donc, aux termes de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869, être recherché devant les tribunaux suisses pour une réclamation personnelle, comme celle dont il s'agit dans l'espèce.
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Statuant, la Cour civile a admis les conclusions du demandeur à l'exception, cela par les considérants suivants :
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L'art. 1 du traité franco-suisse de 1869 est sans portée en l'espèce, les deux parties étant de nationalité française ; d'autre part l'art. 2 de ce traité invoqué par Antoine n'est applicable pour trancher une contestation entre Français que si toutes les parties en cause sont domiciliées en Suisse, ou si toutes y ont un établissement commercial ; en l'espèce l'une des parties, tout au moins, n'est pas domiciliée en Suisse ; Worth habite Paris, où il a le centre de ses affaires, et où il a également son établissement commercial. Il n'a en Suisse à Promenthoux qu'une propriété d'agrément, où il fait élever de la volaille, mais où il n'exploite ni commerce ni industrie. Si son régisseur vend une partie de cette volaille lorsqu'elle dépasse les besoins de Worth, cette vente ne ![]() ![]() | |
Antoine a recouru en réforme contre ce jugement, pour fausse interprétation des faits de la cause et de l'art. 2 du traité franco-suisse. Il faisait valoir en résumé ce qui suit :
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L'art. 2 de la Convention franco-suisse de 1869 implique la compétence des tribunaux suisses en la cause. Worth a un établissement commercial à Promenthoux ; il y fait élever de la volaille, en vend une partie et il a même recours à la réclame pour faciliter cette vente ; il fait le commerce, et dès lors l'art. 2 du traité est applicable. Antoine, de son côté, a un établissement commercial en Suisse ; son industrie consiste à remplir des fonctions analogues à celles qu'il avait chez Worth ; il est employé du patron contre lequel il plaide. Enfin, si l'on n'admet pas qu'Antoine ait un établissement commercial en Suisse, on doit du moins admettre qu'il y a son domicile, et que sa partie adverse y a un établissement commercial, ce qui est suffisant pour établir la compétence des tribunaux suisses, conformément à l'art. 2 du traité de 1869.
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Le défendeur conteste qu'il eût un établissement commercial en Suisse, et notamment à Promenthoux ; il déclare en outre n'avoir aucun domicile en Suisse.
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Par arrêt du 22 juin 1898, le Tribunal cantonal de Vaud a écarté le recours d'Antoine, et maintenu le jugement de la Cour civile. Cet arrêt s'appuie, en substance, sur les motifs suivants :
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L'art. 2 du traité franco-suisse de 1869 doit être interprété dans ce sens que les tribunaux suisses pourront être nantis de contestations entre Français, si l'une des parties a un domicile en Suisse et si l'autre y a un établissement commercial, sans qu'il soit nécessaire que toutes deux aient un établissement commercial en Suisse. Or Worth n'a en Suisse ni domicile, ni établissement commercial et ainsi l'un des élé ![]() ![]() | |
C'est contre cet arrêt que C.-A. Antoine a recouru au Tribunal fédéral, concluant à ce qu'il lui plaise:
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1. Casser le dit arrêt pour violation de l'art. 2, et éventuellement de l'art. 4 de la Convention franco-suisse du 15 juin 1869. 2. Dire et prononcer qu'en application de l'une ou de l'autre de ces dispositions le tribunal nanti par Antoine est compétent pour connaître du fond de la contestation entre parties. | |
Dans sa réponse, le sieur Worth conclut au rejet du recours et au maintien de l'arrêt du tribunal cantonal.
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Statuant sur ces faits et considérant en droit :
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Erwägung 1 | |
Erwägung 2 | |
2. En ce qui concerne tout d'abord la question de l'établissement commercial, c'est à tort que le défendeur au recours estime que le tribunal de céans est lié par la décision du tribunal cantonal relative à la question de l'établissement commercial. Les constatations de fait du tribunal cantonal sont, à la vérité, décisives pour le Tribunal fédéral, pour autant qu'elles ne sont pas en contradiction avec les pièces du procès. Toutefois, c'est seulement en tant qu'elles ont trait au séjour de fait des parties en Suisse, et à leurs actes dans ce pays, que ces constatations constituent des constatations de fait dans le sens de la loi ; tel est le cas, en particulier, des solutions de la Cour cantonale relatives à l'importance de l'élevage de volailles exploité par le défendeur Worth. Mais la question de savoir si ce genre d'affaires se caractérise comme un établissement commercial dans le ![]() ![]() | |
Erwägung 3 | |
Erwägung 4 | |
Il s'agit donc, dans l'espèce, de savoir si Worth possède à Promenthoux un établissement commercial, c'est-à-dire si l'élevage des volailles, auquel il s'y livre, apparaît comme un tel établissement dans le sens du traité, alors qu'il est établi ![]() ![]() | |
Le défendeur Worth n'étant d'ailleurs, de l'aveu même de sa partie adverse, pas domicilié en Suisse, il s'ensuit avec nécessité que c'est avec raison que la Cour cantonale a refusé de se nantir du litige, puisque, à teneur de l'art. 2 du traité, en pareil cas la compétence des tribunaux suisses est subordonnée à la condition que les deux parties françaises aient en Suisse un établissement commercial ou un domicile.
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Erwägung 6 | |
6. Dans son recours au Tribunal fédéral, le demandeur Antoine a, pour la première fois, invoqué pour fonder la compétence des tribunaux suisses un moyen tiré de l'art. 4 du même traité franco-suisse, lequel dispose qu'en matière réelle ou immobilière l'action sera suivie devant le tribunal du lieu de la situation des immeubles, et qu' "il en sera de même dans le cas où il s'agira d'une action personnelle concernant la propriété ou la jouissance d'un immeuble." A l'appui de ce moyen, le recourant se prévaut notamment de ![]() ![]() | |
Comme on ne se trouve évidemment pas en présence, dans le cas actuel, d'une action réelle ou immobilière, mais uniquement d'une action personnelle, la seule question que soulève ce deuxième moyen de recours est donc celle de savoir si cette action concerne la propriété ou la jouissance d'un immeuble.
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Cette question doit être aussi résolue négativement, car l'action du sieur Antoine ne peut être considérée comme rentrant dans la catégorie de celles "concernant la propriété ou la jouissance d'un immeuble." En effet il ne s'agit dans le cas actuel ni de l'action d'un entrepreneur qui a fait des réparations à l'immeuble, ni d'un locataire troublé dans sa jouissance. L'on pourrait seulement toutefois se demander si la présente action est intentée par une personne qui, sans prétendre à l'immeuble même, exerce contre le propriétaire et en raison de sa qualité de propriétaire, des droits purement personnels (voir protocole explicatif du Traité, ad art. 4, al. 2). Mais, à cet égard, il est incontestable que ce n'est pas en raison de sa qualité de propriétaire que le défendeur est recherché par sa partie adverse ; en effet les mêmes revendications (paiement de déboursés, d 'appointements et de dommages-intérêts) auraient aussi bien pu être adressées à un simple locataire du dit immeuble qu'au propriétaire de ce dernier ; aucune des conclusions prises par le demandeur ne touche la propriété ou la jouissance du domaine de Promenthoux, mais elles sont toutes uniquement basées sur les stipulations du contrat lié à Paris entre parties, lequel n'impose au défendeur aucune obligation comme propriétaire de l'immeuble en question. C'est du reste non comme propriétaire, mais à raison de la qualité de détenteur d'un établissement commercial, que Worth a été actionné dans l'origine par le demandeur. Enfin il convient de remarquer, au sur-plus, qu'en tout cas ce n'est que la plus petite partie de la somme réclamée en demande qui concerne les appointements d'Antoine, afférents aux six semaines qu'il a passées comme ![]() ![]() | |
Le recours est dès lors également dénué de fondement en tant que basé sur une prétendue violation de l'art. 4 du traité.
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Dispositiv | |
Par ces motifs,
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Le Tribunal fédéral prononce : | |