4. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause Avenir Assurance Maladie SA contre A. (recours en matière de droit public) | |
9C_650/2021 du 7 novembre 2022 | |
Regeste | |
Art. 67, 69 und 84a Abs. 5 KVG; Art. 13 Abs. 1 DSG; Frist zur Anbringung eines Krankheitsvorbehalts von Seiten der Krankenversicherung im Falle einer Verletzung der Anzeigepflicht; Zeitpunkt, in dem die Krankenversicherung von gewissen Tatsachen Kenntnis hatte oder Kenntnis gehabt haben müsste; Zurechnung der Kenntnis von Tatsachen, die der privaten Versicherung bekannt sind.
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Sachverhalt | |
A.a A. a travaillé comme infirmière à 80 % pour la Clinique B. à partir du 28 octobre 2012. A ce titre, elle était assurée auprès de Mutuel Assurances SA (ci-après: Mutuel Assurances) contre la perte de gain en cas de maladie.
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Dans un rapport du 15 octobre 2017, le docteur C., spécialiste en médecine générale et médecin traitant, a indiqué à Mutuel Assurances que sa patiente était atteinte d'hydrocéphalie, ce diagnostic remontant à l'année 2014 environ; elle était limitée de manière intermittente par des céphalées et des vertiges devenant très gênants et présentait des phases d'incapacité entière de travail. Par la suite, il a mentionné que l'hydrocéphalie avait été diagnostiquée en mars 2017.
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A.b Entre-temps, A. a commencé une activité accessoire d'infirmière indépendante à 20 % depuis le début de l'année 2014. Afin de couvrir cette activité indépendante, elle a conclu une assurance individuelle facultative d'indemnités journalières selon la LAMal auprès d'Avenir Assurance Maladie SA (ci-après: Avenir Assurance), le 13 septembre 2017, portant sur une indemnité journalière en cas de maladie de 50 fr. par jour, assortie d'un délai d'attente de sept jours pour les risques maladie et accident. Dans le document "Questionnaire de santé", A. n'a pas indiqué de trouble de la santé. Entre autres réponses, elle a nié être alors ("actuellement") ou avoir été en traitement au cours des cinq dernières années auprès d'un médecin ainsi que présenter des séquelles d'une maladie.
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Le 29 août 2019, Avenir Assurance a reçu une déclaration d'incapacité de travail de A., selon laquelle elle avait travaillé la dernière fois le 15 mars 2019 et était en incapacité de travail depuis le 16 mars ![]() ![]() | |
B. Statuant le 8 novembre 2021 sur le recours de A., le Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, l'a admis; annulant la décision du 6 mars 2020, il a renvoyé le dossier à Avenir Assurance pour "examen des autres conditions du droit aux indemnités journalières requises".
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Avenir Assurance demande au Tribunal fédéral d'annuler le jugement cantonal et de confirmer la décision sur opposition du 6 mars 2020.
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A. conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) conclut à son admission.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable.
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Erwägung 3 | |
3.2 Le jugement entrepris expose de manière complète les règles légales et la jurisprudence relatives à l'instauration d'une clause de ![]() ![]() | |
Erwägung 4 | |
Quant au délai pour instituer une réserve - d'un an à compter du moment où l'assureur a eu ou aurait dû avoir connaissance de l'attitude répréhensible de l'assuré, mais au plus tard cinq ans depuis ledit comportement (ATF 110 V 308 consid. 2c) - la juridiction cantonale a retenu qu'il était échu au moment du prononcé de la décision du 9 janvier 2020. Selon elle, il convenait en application de l'arrêt 4A_294/ 2014 du 30 octobre 2014 de considérer que les rapports médicaux communiqués à Mutuel Assurances étaient réputés connus de la recourante dès leur réception par la prénommée (soit le 25 octobre 2017, date à laquelle le rapport du docteur C. du 15 octobre 2017 avait été transmis à Mutuel Assurances). En effet, les deux sociétés d'assurance avaient adopté une organisation et une administration communes et elles étaient donc autorisées à partager les données de leurs assurés communs. Les premiers juges ont conclu que la réserve devait être supprimée et Avenir Assurance être invitée à verser des prestations à l'intimée pour l'incapacité de travail survenue dès le 16 mars 2019, sous réserve de la réalisation des autres conditions légales.
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4.2 Invoquant une violation de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1), la recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir retenu que deux assurances d'un même groupe pratiquant "toutes deux l'assurance-maladie sociale" sont autorisées à adopter une organisation unique et, partant, à partager les données de leurs assurés communs. Elle soutient qu'elle avait agi en tant qu'assureur perte de gain maladie selon la LAMal, ![]() ![]() | |
Erwägung 5 | |
5.2 L'intimée soutient qu'elle avait, par sa signature de la proposition d'assurance du 13 septembre 2017, donné son accord au traitement de ses données personnelles et délié notamment tous les autres assureurs du Groupe Mutuel Holding SA (dont faisaient partie les deux assureurs en cause) de leur obligation de garder le secret, ce dans le cadre de vérifications nécessaires en cas de soupçons de réticence ou de fraude. Aussi, Mutuel Assurances était-elle autorisée à transmettre des données la concernant à la recourante, sans atteinte à sa personnalité, conformément à l'art. 12 al. 3 LPD, selon lequel ![]() ![]() | |
Quoi qu'en dise l'intimée, on ne saurait considérer que l'autorisation à laquelle elle se réfère justifiait que Mutuel Assurances transmît les rapports médicaux la concernant à la recourante à la date du 25 octobre 2017, considérée comme déterminante par la juridiction cantonale. Si l'intimée a bien accepté peu auparavant de lever l'obligation des "autres assureurs membres du Groupe Mutuel, Association d'assureurs" de garder le secret envers la recourante, son accord porte sur des cas dans lesquels il existe des soupçons de réticence ou de fraude. Or elle n'allègue pas que la recourante aurait dû soupçonner une réticence ou une fraude au moment où Mutuel Assurances a reçu le rapport médical du 15 octobre 2017, dix-jours plus tard, ce qui aurait pu justifier que la recourante sollicitât des renseignements auprès de Mutuel Assurances. A cette date, en l'absence de tout soupçon, la recourante n'avait pas à vérifier l'éventualité d'une réticence ou d'une fraude, pas plus qu'elle n'avait non plus à faire spontanément des recherches auprès de l'assureur privé, "pour toutes les questions posées en rapport avec le questionnaire médical en vue de la conclusion du contrat". La juridiction cantonale le reconnaît du reste lorsqu'elle retient qu'on ne peut exiger d'une caisse-maladie qu'elle procède sans autre indice spontanément, et dans chaque cas, à une enquête sur d'éventuelles maladies antérieures de l'intéressée ou sur les prestations d'assurance qui pourraient lui avoir été allouées précédemment. L'accord de l'intimée ne constituait dès lors pas une autorisation générale donnée à la recourante d'avoir accès à toutes les données recueillies à son sujet par Mutuel Assurances.
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Erwägung 5.3 | |
Selon la jurisprudence en effet, une personne morale dispose de la connaissance, déterminante sous l'angle juridique, d'un état de fait ![]() ![]() | |
5.3.2 En l'occurrence, le critère de l'accessibilité des données ne saurait être appliqué en faisant abstraction de la position particulière de la recourante en tant qu'assureur-maladie social. La caisse-maladie, en pratiquant l'assurance-maladie sociale (y compris l'assurance d'indemnités journalières au sens de l'art. 67 LAMal) remplit une tâche publique de la Confédération et est soumise à des règles plus strictes en matière de protection des données que les entreprises n'ayant pas une telle fonction (cf. Rapport du Conseil fédéral du 18 décembre 2013 en réponse au postulat Heim [08.3493], Protection des données des patients et protection des assurés, p. 4; cf. aussi les critiques sur le critère de l'accessibilité en lien avec les obligations de secret de ANNICK FOURNIER, L'imputation de la connaissance, 2021, p. 250 ss n. 767 ss et p. 263 n. 800). Nonobstant l'organisation commune de la recourante et de Mutuel Assurances, qui sont des personnes morales distinctes l'une de l'autre, la seconde est, à l'égard de la première, un tiers au sens de l'art. 84a al. 5 LAMal (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3548/2018 du 19 mars 2019 consid. 4.8.2; UELI KIESER, Kommentar ATSG, 4e éd. 2020, n° 23 s. ad art. 33 LPGA; ANNE-SYLVIE DUPONT, La protection des données confiées aux assureurs, in La protection des données dans les relations de travail, 2017, p. 212). Or dans les rapports avec des tiers, les aspects liés au transfert et au traitement des informations, voire d'éventuelles limites légales de la transmission des informations ont aussi leur importance (cf. arrêt 4C.44/1998 du 28 septembre 1999 consid. 2d/aa et les références, in sic! 5/2000 p. 407; cf. aussi arrêt 4C.335/1999 ![]() ![]() | |
En matière de protection des données, l'assureur-maladie social n'est en droit de traiter de données sensibles - dont les données sur la santé (art. 3 let. c LPD) - que si une loi au sens formel le prévoit expressément (cf., de manière générale, l'art. 84 LAMal) ou si, exceptionnellement (et entre autres éventualités), la personne concernée y a consenti ou a rendu ses données accessibles à tout un chacun et ne s'est pas opposée formellement au traitement (art. 17 al. 2 let. c LPD). Il est tenu de prendre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour garantir la protection des données (art. 84b LAMal; cf. aussi l'art. 7 al. 1 LPD). Dans ce cadre, il doit assurer que le traitement des données, y compris la collecte des données et leur exploitation (cf. art. 3 let. e LPD), soit effectué en conformité à la loi. Or, celle-ci interdit un échange d'informations général entre la caisse-maladie et une assurance complémentaire privée, même si elles appartiennent à un même groupe d'assureurs, que le transfert de données se fasse de l'assureur-maladie social à l'assureur privé ou dans l'autre sens (Message du 20 septembre 2013 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie [Compensation des risques. Séparation de l'assurance de base et des assurances complémentaires], FF 2013 7135 ss, 7148 ch. 2 ad art. 13 al. 2 let. g P-LAMal). Une communication de ces données personnelles ne peut être envisagée qu'avec le consentement de la personne concernée (cf. art. 13 al. 1 LPD sur le consentement de l'intéressé et art. 84a al. 5 LAMal sur le transfert des données par la caisse-maladie au tiers), qui n'a pas été donné en l'espèce (consid. 5.2 supra). La référence que fait la juridiction cantonale à l'art. 84a al. 1 let. a et b ![]() ![]() | |
A cet égard, la recourante fait valoir que les dossiers respectifs de l'intimée auprès d'elle et de Mutuel Assurances ont été enregistrés séparément sous des numéros différents et qu'ils sont traités par deux collaboratrices différentes qui n'ont pas un accès réciproque et systématique aux données de l'autre assureur, toute autre organisation violant les exigences de la LPD. Dans ces circonstances, rien n'indique que la collaboratrice chargée du traitement du dossier de l'intimée auprès de la recourante aurait, en violation des règles en la matière, accédé spontanément aux données recueillies par Mutuel Assurances pour en prendre connaissance ou que celle-ci les aurait transmises et rendues ainsi accessibles à la caisse-maladie. On ne saurait donc admettre que la recourante a eu accès à l'information déterminante faisant partie des données de l'assurance privée, malgré leur organisation commune (cf. aussi l'art. 9 al. 1 let. g [en relation avec l'art. 20 al. 1 OLPD; RS 235.11], selon lequel les personnes autorisées ont accès uniquement aux données personnelles dont elles ![]() ![]() | |
Pour le reste, l'intimée, dont la réponse porte exclusivement sur la violation de la LPD invoquée par la recourante, ne remet pas en cause les constatations de la juridiction cantonale sur l'existence d'une réticence en lien avec l'hydrocéphalie ainsi que sur le fait que c'est bien cette atteinte qui a provoqué l'incapacité de travail survenue dès le 16 mars 2019. Compte tenu de ces constatations et de la validité de la réserve émise par la recourante, celle-ci n'a pas à allouer d'indemnités journalières en raison de cette incapacité de travail. Les conclusions de la recourante tendant à l'annulation de l'arrêt entrepris sur ce point (consid. 3.1 supra) sont bien fondées. ![]() |