24. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause GastroSocial Caisse de compensation contre A. (recours en matière de droit public) | |
9C_79/2021 du 4 mai 2022 | |
Regeste | |
Art. 16 Abs. 1 Satz 2 AHVG; Art. 53 Abs. 1 ATSG i.V.m. Art. 67 VwVG; Befristung des Rechts zur Beitragsfestsetzung in Folge eines Steuerhinterziehungverfahrens.
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Sachverhalt | |
A.a Exploitant l'Auberge de C., A. a été affilié à titre de personne exerçant une activité lucrative indépendante auprès de GastroSocial Caisse de compensation (ci-après: la caisse de compensation) du 1er avril 1986 au 30 septembre 2005. Le 28 février 2006, celle-ci a rendu une décision de cotisations pour l'année 2004, en se fondant sur les revenus indiqués par l'autorité fiscale de taxation compétente (revenu de 92'438 fr.; capital propre investi: 462'000 fr.). Pour les cotisations relatives à la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, la caisse les a fixées par décision du 20 février 2008, en fonction des données fiscales correspondantes (revenu de 47'662 fr. de janvier à septembre 2005; capital propre investi: nul).
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A.b Au terme d'une procédure de rappel d'impôt l'ayant conduite à rendre des décisions de taxation rectificatives, le 28 août 2019, l'autorité fiscale cantonale a informé la caisse de compensation le 7 octobre 2019 que A. avait réalisé un revenu de 98'111 fr. en 2004 (capital propre investi: 461'294 fr.) et de 62'505 fr. en 2005 (capital propre investi: nul). Par décisions du 14 octobre 2019, confirmées sur opposition le 8 janvier 2020, la caisse de compensation a réclamé à A. un montant supplémentaire de cotisations sociales de 1'727 fr. 40 pour l'année 2004 (plus 83 fr. 95 d'intérêts) et de 2'915 fr. 40 du 1er janvier au 30 septembre 2005 (plus 277 fr. 40 d'intérêts).
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B. A. a déféré la décision sur opposition du 8 janvier 2020 à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et produit les décisions de rappel d'impôt de l'Administration fiscale genevoise du 28 août 2019. Par arrêt du 10 décembre 2020, la Cour de justice a admis le recours et annulé les décisions des 14 octobre 2019 et 8 janvier 2020.
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C. La caisse de compensation forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que A. soit condamné au paiement des cotisations AVS provenant d'une activité indépendante pour les années 2004 et 2005, en raison d'une procédure de rappel d'impôt à la suite d'une soustraction d'impôt. Elle requiert par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif à son recours. ![]() | |
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
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Erwägung 2 | |
Aux termes de cette norme, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2012, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S'il s'agit de cotisations visées aux art. 6 al. 1, 8 al. 1 et 10 al. 1, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant.
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2.3 Selon les directives de l'OFAS sur la perception des cotisations dans l'AVS, AI et APG (DP; état au 1er janvier 2020), les caisses de compensation doivent ordonner le paiement des cotisations arriérées (réclamation de cotisations arriérées) lorsqu'elles apprennent qu'une personne n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû (art. 39 RAVS) (ch. 3001 DP). La réclamation peut notamment avoir lieu à la suite d'un contrôle ![]() ![]() | |
Selon le ch. 3010 DP, pour une période ayant fait l'objet d'une décision de cotisations passée en force, les caisses de compensation ne peuvent réclamer les cotisations arriérées que si les conditions pour revenir sur une décision entrée en force sont remplies (voir à ce sujet la Circulaire de l'OFAS sur le contentieux dans l'AVS, l'AI, les APG et les PC [CCONT]).
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Erwägung 3 | |
3.2 Invoquant une violation de l'art. 16 al. 1 LAVS, la recourante fait valoir que cette disposition déroge, en tant que lex specialis, au ![]() ![]() | |
Erwägung 4 | |
L'art. 16 al. 1 LAVS s'applique notamment à la situation dans laquelle une procédure pour soustraction d'impôt a été mise en oeuvre (au sens des art. 175 ss de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). Si des cotisations doivent êtreprélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt, le délai d'un an de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS ne pren naissance qu'après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (consid. 5.2 infra; sur la simplification rédactionnelle de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2012 [suppressiondes termes "ou à la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôt"], voir arrêt 9C_736/2018 du 5 décembre 2018consid. 2).
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Erwägung 4.2 | |
4.2.1 Dans le domaine fiscal, selon l'art. 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due ![]() ![]() | |
L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. L'introduction d'une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d'impôt ou de délit fiscal entraîne également l'ouverture de la procédure de rappel d'impôt (art. 152 al. 2 LIFD). Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD; ATF 140 I 68 consid. 6.1).
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S'agissant des délais applicables en matière de révision, l'art. 53 al. 1 LPGA n'en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l'art. 55 al. 1 PA, sont déterminants les délais applicables à la révision de ![]() ![]() | |
Erwägung 5 | |
Erwägung 5.2 | |
Le Conseil fédéral a ensuite repris les considérations de la commission et indiqué dans son message aux Chambres fédérales que des circonstances spéciales imposent des exceptions au délai de cinq ans ![]() ![]() | |
5.2.2 La réglementation de la péremption du droit de fixer les cotisations en lien avec la taxation fiscale déterminante n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur de la LPGA. Au cours des travaux préparatoires y relatifs, la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national s'est prononcée sur la proposition du Conseil des Etats sur l'art. 31, 2e phrase, relatif à l'extinction du droit, selon lequel "les réglementations spéciales des différentes lois d'assurances sociales sur les délais de demande et d'annonce, sur la fixation de cotisations à l'aide de taxations fiscales et sur la caducité définitive de prestations ou de cotisations fixées en temps utile mais non versées ou payées demeurent réservées". Elle a proposé de biffer cette seconde phrase, en raison de la nouvelle conception de la technique législative, à savoir l'introduction dans les lois spéciales des dérogations explicites à la LPGA (Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national du 26 mars 1999, FF 1999 4168, 4179 ss ch. 421 et 4221 ch. 52). Dans le commentaire consacré à l'art. 32 du projet sur la restitution des prestations, la Commission a expressément reconnu qu'il existe une règle particulière pour les cotisations déterminées d'après une décision de taxation fiscale et que, "comme il ne faut rien changer à l'état actuel, ![]() ![]() | |
Or le délai de l'art. 16 al. 1, 2 e phrase, LAVS ne saurait être en quelque sorte raccourci par le délai prévu en matière de révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 67 PA. Rien ne permet en effet de retenir qu'en considérant que les conditions d'une révision procédurale doivent être réalisées pour revenir sur une décision de cotisations entrée en force, le Tribunal fédéral a voulu modifier ou rendre inopérant le délai de fixation des cotisations à la suite d'une taxation fiscale (voir p. ex. ATF 115 V 183). Il s'agissait de reconnaître que l'administration ne peut pas modifier une décision de cotisations entrée en force sans disposer d'un titre particulier lui permettant d'y revenir et non de modifier le droit matériel concernant la péremption de la fixation des cotisations; ainsi, lorsque cette condition est réalisée, il est admissible de modifier de manière rétroactive la dette de cotisations concernant les mêmes rémunérations (cf. arrêt H 184/95 du 4 juillet 1997 consid. 5b et la référence; voir aussi ATF 115 V 183). Une telle intention ne peut pas non plus être imputée au législateur fédéral lors de l'adoption de la LPGA (consid. 5.2.2 supra). Dans ce contexte, la considération de la juridiction cantonale selon laquelle l'absence de mention, à l'art. 16 LAVS, d'une dérogation à l'art. 53 LPGA entraîne l'application du délai absolu de l'art. 67 PA ne saurait être suivie. La lecture des travaux préparatoires ne fait apparaître aucun élément allant dans le sens d'une modification de l'institution de la péremption telle que prévue par l'art. 16 al. 1 LAVS depuis 1954. ![]() | |
6.1 En conséquence de ce qui précède, la caisse de compensation était en droit de revenir sur ses décisions formellement passées en force en raison des faits nouveaux importants découlant des décisions de taxation. Pour ce faire, elle a respecté le délai d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle les décisions de rappel d'impôt du 28 août 2019 sont entrées en force (art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS). La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en considérant que le droit de la caisse de compensation recourante de réclamer le paiement des cotisations arriérées était éteint par péremption. ![]() |