36. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale) | |
6B_1495/2022 du 12 mai 2023 | |
Regeste | |
Verordnung (EU) 2018/1861; Art. 2 Abs. 1 und 2 StGB; Eintrag der Landesverweisung in das Schengener Informationssystem (SIS); Grundsätze des strafrechtlichen Rückwirkungsverbots und der lex mitior.
| |
Sachverhalt | |
![]() ![]() ![]() | |
B. Statuant sur l'appel formé par A., la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a, par jugement du 10 novembre 2022, très partiellement admis et a réformé le jugement de première instance sur un point accessoire (annulation de la confiscation et restitution à l'appelant de son téléphone portable). Pour le surplus, il a confirmé le jugement entrepris. Les faits pertinents ressortant du jugement sont les suivants.
| |
B.a A. est né en 1969 à U., au Royaume-Uni, pays dont il est ressortissant. Il est célibataire, sans personne à charge. Il a un domicile à U. et se déplace souvent en France et en Suisse. Dans le cadre d'une précédente procédure pénale dirigée contre lui ouverte par les autorités pénales fribourgeoises, il a déclaré avoir, par le passé, exercé la profession de sommelier en V. et au Royaume-Uni. Il serait fiancé à une femme d'origine russe, domiciliée à U. Il a déclaré au Service médical de la prison W. le 27 septembre 2020 souffrir d'une schizophrénie paranoïde qui est stabilisée et non traitée par médicaments. Il n'a aucun revenu. Il est actuellement détenu sous le régime de l'exécution anticipée de peine au sein de la prison X., à Y.
| |
B.b Le casier judiciaire suisse de A. fait état de huit inscriptions, en particulier pour vol, respectivement vol par métier, dommages à la propriété, entrée et séjour illégal. La dernière inscription fait état d'une condamnation à une peine privative de liberté de 30 jours pour vol, selon décision rendue par le Ministère public du canton du Valais le 19 février 2020. Par arrêt du 3 juillet 2019, la Cour d'appel pénale du canton de Fribourg a prononcé l'expulsion du territoire suisse du prévenu pour une durée de dix ans, mesure exécutée le 31 juillet 2019. A. a également été condamné en Allemagne; son casier judiciaire allemand fait mention de quatre inscriptions, entre 2001 et 2012 pour vol, respectivement vol qualifié, brigandage et lésions corporelles intentionnelles. Enfin, il ressort du jugement rendu le 19 juin 2018 par le Tribunal d'arrondissement de la Gruyère que le prénommé a été condamné en Grande-Bretagne; son casier judiciaire britannique faisait alors état de vingt-quatre condamnations. ![]() | |
![]() | |
C. A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 10 novembre 2022. Il conclut principalement, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que son expulsion à vie du territoire suisse n'est pas inscrite dans le SIS. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et requiert l'octroi de l'effet suspensif.
| |
D. Par ordonnance du 4 janvier 2023, le Juge présidant la Cour de droit pénal a admis la requête d'effet suspensif.
| |
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
| |
Erwägung 1 | |
Erwägung 1.2 | |
1.2.1 Conformément à l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la ![]() ![]() | |
Les principes de la non-rétroactivité et de la lex mitior s'appliquent à toutes les dispositions légales qui définissent les conditions de la répression ainsi que les conséquences pénales de cette dernière (cf. ATF 117 IV 369 consid. 4d; 68 IV 60 consid.?1b). Ainsi, l'art. 2 CP vise les lois d'incrimination mais aussi les lois de sanction (DONGOIS/LUBISHTANI, in Commentaire romand, Code pénal, vol. I, 2e éd. 2021, n° 13 ad art. 2 CP; HURTADO POZO/GODEL, Droit pénal général, 3e éd. 2019, n. 230). L'interdiction de la rétroactivité s'applique donc en principe également aux mesures. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a retenu que le juge ne peut ordonner l'expulsion que si l'auteur a commis l'infraction qui y donne lieu après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur l'expulsion (ATF 146 IV 311 consid. 3.2.2).
| |
Conformément à l'art. 3 par. 4 du Règlement (UE) 2018/1861, on entend par "ressortissant de pays tiers" toute personne qui n'est pas citoyen de l'Union au sens de l'article 20, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à l'exception des personnes qui sont bénéficiaires, en vertu d'accords conclus entre l'Union, ou l'Union et ses Etats membres, d'une part, et des pays tiers, d'autre part, de droits en matière de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l'Union.
| |
L'introduction d'un signalement de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour dans le SIS ![]() ![]() | |
1.2.3 Le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne a été décidé le 31 janvier 2020 ("Brexit"; cf. ATF 147 III 491 consid. 6.1.1). Les modalités de cette sortie ont été réglées par l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (JO L 29 du 31 janvier 2020 p. 7 ss), lequel prévoyait notamment une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020. Conformément à l'Echange de notes des 28/30 juin 2020 entre la Suisse et l'Union européenne concernant la continuation de l'application des accords entre la Suisse et l'Union européenne au Royaume-Uni pendant la période de transition après son retrait de l'Union ![]() ![]() | |
Le Royaume-Uni n'est plus "membre" de l'espace Schengen depuis l'entrée en vigueur définitive du Brexit, le 1er janvier 2021. Cela signifie en particulier que l'accès provisoire du Royaume-Uni au SIS, qui existait depuis le 13 avril 2015, a été définitivement coupé et que les données ont été complètement effacées du système central C-SIS. Bien que l'accord conclu entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prévoie une poursuite ponctuelle de la coopération dans le domaine "justice et affaires intérieures" (p. ex. dans le cadre de la coopération de Prüm), il ne prévoit pas de participation (totale ou partielle) à Schengen ou Dublin (rapport du Département fédéral de justice et de police [DJJP] à l'attention de la CdG-DFJP/ChF concernant l'état de la mise en oeuvre de Schengen/Dublin 2020/21 du 28 mai 2021, p. 6).
| |
1.4 Le recourant relève que le principe de non-rétroactivité s'applique pleinement aux dispositions pénales régissant l'expulsion pénale. A majore ad minus, ce même principe devait trouver application s'agissant de l'inscription de cette même expulsion au registre SIS. L'argument de la cour cantonale selon laquelle l'inscription au registre SIS poursuit un but sécuritaire était vain, car l'ensemble du droit pénal ![]() ![]() | |
1.5 Conformément à la jurisprudence, le signalement de l'expulsion dans le SIS relève du droit d'exécution, respectivement du droit de police (ATF 146 IV 172 consid. 3.3.4; voir aussi: Commentaire de l'Office fédéral de la justice [OFJ] du 20 décembre 2016 concernant l'ordonnance sur la mise en oeuvre de l'expulsion pénale, p. 7 [ci-après: Commentaire de l'OFJ]). Il a sans aucun doute des conséquences importantes dans la mesure où les personnes concernées sont interdites d'entrer dans les Etats Schengen sans décision préalable. Néanmoins, le signalement dans le SIS n'est pas une sanction - contrairement au prononcé d'expulsion lui-même prévu aux art. 66a s. CP (cf. art. 4 al. 1 let. ebis de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire [ordonnance VOSTRA; RS 331]). Lors de l'adoption de l'ordonnance sur la mise en oeuvre de l'expulsion pénale, il a donc été largement admis que, d'un point de vue législatif, le signalement de l'expulsion dans le SIS n'était pas nécessairement réservé au tribunal pénal jugeant la cause au fond, mais que le législateur aurait également pu déléguer la compétence correspondante dans l'ordonnance N-SIS (ordonnance du Conseil fédéral du 8 mars 2013 sur la partie nationale du Système d'information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE [RS 362.0]) au SEM en tant qu'autorité d'exécution, qui décide déjà du signalement dans le SIS des interdictions d'entrée prononcées en vertu du droit des étrangers. Comme le montre le Commentaire de l'OFJ, des raisons pratiques, respectivement d'économie de la procédure, plaident finalement en faveur de la compétence du tribunal jugeant la cause au fond. Toutefois, cette compétence ne modifie en rien le fait que le signalement de l'expulsion dans le SIS relève de l'exécution (ATF 146 IV 172 consid. 3.3.4). Il en découle en particulier que l'interdiction de la reformatio in pejus au sens de l'art. 391 al. 2 CPP, dont le but est ![]() ![]() | |
En droit administratif, le fait qu'une décision d'interdiction d'entrée sur le territoire (art. 67 LEI; RS 142.20) se base sur des condamnations pénales prononcées avant l'entrée en vigueur de la LEtr (et de la LEI) ne constitue pas une violation du principe de la non-rétroactivité des lois. En effet, la mesure d'interdiction d'entrée ne vise pas à sanctionner un comportement déterminé comme, par exemple, des infractions commises antérieurement. Celles-ci doivent toutefois être prises en compte afin d'établir un pronostic au moment où la décision est rendue (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-848/2019 du 27 octobre 2020 consid. 3.3; F-1356/2019 du 4 août 2020 consid. 3.3).
| |