29. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public de la République et canton de Genève (recours en matière pénale) | |
6B_1160/2022 du 1er mai 2023 | |
Regeste | |
Art. 431 Abs. 2 und 3 StPO; Art. 66a f. StGB; Entschädigung für immateriellen Schaden wegen übermässigen Freiheitsentzuges; Berücksichtigung der niedrigeren Lebenshaltungskosten in dem Land, in das die berechtigte Person ausgewiesen werden soll.
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Sachverhalt | |
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B. Par arrêt du 23 mai 2022, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A. contre l'arrêt cantonal. La cause a été renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur la peine, sur les prétentions du recourant relatives à l'indemnisation de sa détention et sur les frais de la procédure cantonale. Pour le surplus, le Tribunal fédéral a rejeté le recours, en tant qu'il portait sur la réalisation de l'infraction de rupture de ban (arrêt 6B_1092/2021 du 23 mai 2022 consid. 4).
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C. Par arrêt du 16 août 2022, la cour cantonale a condamné A. à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 10 fr., sous déduction de 117 jours de détention avant jugement pour l'infraction de rupture ![]() ![]() | |
L'arrêt cantonal repose en substance sur les faits suivants.
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C.a Né en 1991 en Algérie, A. est arrivé en Suisse à l'âge de 14 ans, où il a toujours été en situation irrégulière. Malgré l'absence de diplôme, il a exercé, selon ses dires, le métier de plombier-chauffagiste en Algérie. Sa mère et deux de ses soeurs vivent en Algérie, une autre soeur et son frère à Paris. Au moment de l'arrêt, il affirmait subsister à ses besoins grâce à l'aide financière de sa famille, vivre en couple et tenter d'avoir un enfant avec sa compagne. Il avait le projet de s'installer chez sa soeur en France, Etat dont il était certain d'obtenir un titre de séjour.
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C.b Le casier judiciaire de A. comporte quinze condamnations, la première remontant à 2012, pour séjour illégal, rupture de ban, vol, appropriation illégitime, dommage à la propriété, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que des violations aux lois fédérales sur les stupéfiants et à la circulation routière. A. a été condamné à plusieurs peines privatives de liberté.
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Les deux derniers jugements à l'encontre de A. ont été assortis de décisions d'expulsion. La première pour une durée de trois ans, avec délai d'échéance au 21 juin 2022, et la seconde pour la même durée, avec délai d'échéance au 10 mars 2023.
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C.c Le 10 mars 2020, sa dernière peine entièrement purgée, A. a été remis en liberté. Le 4 décembre 2020, il a été interpellé à U., la police ayant constaté qu'il faisait l'objet de deux mesures d'expulsion entrées en force.
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C.d A. a été détenu pour la présente cause du 4 décembre 2020 jusqu'à sa mise en liberté le 30 mars 2021.
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D. A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 16 août 2022 et conclut, avec suite de frais, à titre principal, à son annulation et au prononcé d'une peine pécuniaire ne dépassant pas 10 jours et à l'octroi d'une indemnité pour tort moral de 200 fr. par jour de détention. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la procédure à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. ![]() | |
2.1.2 S'agissant du mode et de l'étendue de l'indemnisation fondée sur les art. 429 ss CPP, il n'est pas exclu de s'inspirer des règles générales des art. 41 ss CO. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'intéressé et de la possibilité ![]() ![]() | |
Selon la jurisprudence, un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (ATF 146 IV 231 consid. 2.3.2 p. 234 s.; ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342; arrêt 6B_974/2020 du 31 mars 2021 consid. 2.1.1). Le taux journalier n'est qu'un critère qui permet de déterminer un ordre de grandeur pour le tort moral. Il convient ensuite de corriger ce montant compte tenu des particularités du cas (durée de la détention, retentissement de la procédure sur l'environnement de la personne acquittée, gravité des faits reprochés, etc.). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détentions plus courtes n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée. Aussi, lorsque la durée de détention est de plusieurs mois, convient-il en règle générale de réduire le montant journalier de l'indemnité (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342; arrêt 6B_1374/2021 précité consid. 3.1 et arrêts cités).
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2.1.3 En cas de détention excessive, le montant de référence correspondant à 200 fr. par jour peut être relativisé, dans la mesure où la détention en tant que telle n'est pas injustifiée (cf. supra consid. 2.1.1). Dans le même sens, l'art. 431 al. 3 let. a CPP prévoit qu'il peut être renoncé à octroyer une réparation du tort moral si la peine prononcée convertie n'est pas notablement plus courte (wesentlich kürzer; notevolmente inferiore) que la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûretés. D'après le Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, l'indemnisation et la réparation du tort moral de la détention excessive sont fournies par l'Etat selon la libre appréciation de l'autorité compétente. Celle-ci pourra renoncer à toute indemnité ou réparation si l'excès de ![]() ![]() | |
2.1.5 Conformément à la jurisprudence, il n'y a en principe pas lieu de prendre en considération les frais d'entretien au domicile de l'ayant droit lors de la fixation de l'indemnité pour tort moral. L'indemnité doit ainsi être fixée sans égard au lieu de vie de l'ayant droit et à ce qu'il va faire de l'argent obtenu (ATF 125 II 554 consid. 4a p. 559; ATF 123 III 10 consid. 4c p. 13 s.; arrêt 6B_1335/2021 du 21 décembre 2022 consid. 2.2.3). Toutefois, dans la mesure où le bénéficiaire domicilié à l'étranger serait exagérément avantagé en raison des conditions économiques et sociales existant à son lieu de domicile, il convient d'adapter l'indemnité vers le bas (ATF 125 II 554 consid. 2b et 4a; ATF 123 III 10 consid. 4 p. 11 ss; cf. arrêts 6B_974/2020 précité consid. 2.1.2; 2C_294/2010 du 28 avril 2011 consid. 3.3.3). L'ampleur de l'indemnité pour tort moral doit être justifiée compte tenu des circonstances particulières, après pondération de tous les intérêts, et ![]() ![]() | |
Se fondant sur cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a admis une réduction de 80 % de l'indemnité pour tort moral accordée en raison de la détention excessive d'un détenu domicilié en Géorgie (arrêt 6B_974/2020 précité consid. 2.2, 2.5 et 2.6, l'indemnité journalière de référence a été arrêtée à 100 fr., puis réduite à 20 fr. en tenant compte du coût de la vie et du salaire moyen en Géorgie).
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2.1.7 La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc ![]() ![]() | |
S'agissant du montant de l'indemnisation, la cour cantonale a retenu que le recourant, ressortissant algérien, avait fait l'objet de deux mesures d'expulsion entrées en force et était dans l'obligation de quitter le territoire suisse pour regagner l'Algérie. Se fondant sur un arrêt rendu dans des circonstances similaires (arrêt 6B_242/2019 précité consid. 2.3; cf. supra consid. 2.1.6), la cour cantonale a arrêté le montant de référence à 70 fr. par jour de détention excessive. Considérant que le recourant avait été arrêté et incarcéré à bon droit, puisqu'il était coupable de rupture de ban, la cour cantonale a estimé que l'indemnisation ne devait pas compenser l'arrestation et le choc de la détention. Elle a relevé en outre que le recourant était en situation illégale depuis son arrivée en Suisse, sans emploi et sans projet concret, son incarcération n'ayant eu aucune répercussion durable sur sa vie sociale et professionnelle. Elle a ainsi réduit le montant de référence de moitié.
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Pour le surplus, elle a relevé que le recourant n'avait pas démontré qu'il avait particulièrement mal vécu sa détention, ni qu'elle lui aurait causé des souffrances particulières, les difficultés à dormir ou l'anxiété étant inhérentes à toute restriction de liberté. Les rapports de consultations à l'hôpital ne faisaient état d'aucun diagnostic médical (notamment troubles psychiques), ni même de la nécessité d'un suivi médical. Son anxiété, ses actes d'automutilation et ses idées noires étaient le fruit d'une toxicomanie antérieure à cette incarcération et ne justifiaient aucune augmentation du montant. La cour cantonale n'a pas davantage tenu compte d'une altercation ayant eu lieu à la prison, celle-ci ayant mené à la condamnation de ses deux codétenus. ![]() | |
La jurisprudence concernant l'adaptation de l'indemnité en réparation du tort moral vers le bas vise à corriger les situations consacrant un avantage excessif pour l'intéressé et implique qu'il soit tenu compte des circonstances particulières, après pondération de tous les intérêts (cf. supra consid. 2.1.5). Le but visé par la réparation du tort moral ![]() ![]() | |
Cela étant, et dans la mesure où, au moment de son emprisonnement, le recourant était sous le coup de deux mesures d'expulsion pénale entrées en force, c'est en vain qu'il précise qu'il résidait en Suisse pour contester la prise en compte du coût de la vie en Algérie. Pour le surplus, il ne saurait rien déduire en sa faveur de sa propre appréciation concernant les difficultés d'une expulsion effective en Algérie (cf. également en ce sens arrêt 6B_242/2019 précité consid. 2.3). Dans ce cas de figure, l'intéressé ne peut pas se prévaloir de relations particulières avec la Suisse (cf. ATF 125 II 554 consid. 3b p. 558; ATF 123 III 10 consid. 4c/bb p. 14; arrêt 6B_1335/2021 précité consid. 2.2.3 in fine).
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Au vu de ce qui précède, la cour cantonale pouvait prendre en compte le coût de la vie du pays vers lequel le recourant devait être expulsé, pour fixer l'indemnité en réparation du tort moral en raison de sa détention excessive.
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2.4.3 Le recours ne contient aucune critique dirigée contre l'estimation du niveau de vie en Algérie. En réduisant à 70 fr. (réduction de 65 % de 200 fr.) le montant journalier de l'indemnité pour tenir compte de la situation économique en Algérie, il n'apparaît pas que la cour cantonale aurait procédé à une réduction schématique selon le rapport du coût de la vie dans le pays de l'intéressé. Elle a au contraire adapté le montant journalier en se fondant sur celui jugé équitable par le Tribunal fédéral dans une configuration similaire (arrêt 6B_242/2019 précité consid. 2.3; PIB en Algérie 20 fois ![]() ![]() | |