30. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 juillet 1956 dans la cause Ministère public de canton de Vaud contre Treyvaud. | |
Regeste | |
Art. 66 KUVG, 148 und 251 StGB.
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Sachverhalt | |
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C.- Saisie d'un recours formé par Treyvaud, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a libéré, par arrêt du 21 novembre 1955, des chefs de prévention d'escroquerie, de faux et de contravention à la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents; en ce qui concerne le délit puni par l'art. 59 LA, elle a renvoyé la cause au Tribunal de police correctionnelle d'Yverdon pour complément d'instruction et nouveau jugement. Elle a considéré que les éléments de l'escroquerie, du faux dans les titres et de l'infraction prévue par l'art. 66 LAMA étaient réunis, mais que cette disposition établissait un délit spécial englobant les cas qui pourraient tomber également sous le coup des art. 148 et 251 CP; elle a jugé, dès lors, que l'art. 66 LAMA était seul applicable et que la prescription de l'action pénale était acquise dès la fin de l'année 1954, cet article statuant, hormis les cas de récidive, une simple contravention.
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D.- Le Ministère public du canton de Vaud s'est pourvu en nullité contre cet arrêt en tant qu'il libère Treyvaud des chefs de prévention d'escroquerie et de faux dans les titres au sens des art. 148 et 251 CP; il conclut à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.
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E.- Treyvaud conclut au rejet du pourvoi.
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1. Il est constant que Treyvaud a trompé la Caisse nationale par des indications inexactes concernant le nombre des ouvriers occupés dans son entreprise et leurs salaires, et qu'il a établi des listes de paie fausses qui ne correspondaient pas aux montants réellement versés. Ses actes réunissent ainsi les éléments constitutifs des crimes d'escroquerie (art. 148 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP): dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime, il a astucieusement induit en erreur la ![]() ![]() | |
La comptabilité commerciale et ses éléments, qui comprennent les livres de salaires, sont des titres (RO 79 IV 163). Les listes de paie qui sont établies en conformité de l'art. 64 LAMA sont également des titres, car elles sont destinées à prouver des faits ayant une portée juridique: elles doivent en effet donner, pour chaque employé ou ouvrier de l'entreprise, des renseignements exacts sur le mode d'occupation, le salaire et le nombre des jours de travail, et servent, selon l'art. 112 LAMA, à la fixation des primes. Les extraits des listes de paie que le chef d'entreprise doit faire parvenir à la Caisse nationale à l'expiration de l'année d'assurance, en vertu de l'art. 28 de l'ordonnance II sur l'assurance-accidents, du 3 décembre 1917, ne sont en revanche pas des titres au sens des art. 110 ch. 5 et 251 CP; ils ne constituent pas en effet un élément de la comptabilité, mais ne sont qu'un résumé des données qui ressortent prétendument des listes de paie et ne contiennent que des allégations du chef d'entreprise. Dans le même sens, le Tribunal fédéral a jugé que le bilan inexact dressé pour tromper un tiers sur la situation réelle d'une entreprise n'est pas un titre mais un simple mensonge consigné par écrit, car il n'est pas une partie intégrante de la comptabilité; il ne représente qu'un tableau résumé de la situation qui résulte soi-disant de celle-ci (arrêt du 30 octobre 1953 dans la cause Klaus, consid. 5).
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2. Aux termes de l'art. 66 LAMA, celui qui, intentionnellement, contrevient aux art. 64 et 65 ou aux règlements édictés en application de ces articles est puni d'une amende de cinq cents francs au maximum ou d'un emprisonnement n'excédant pas trois mois; ces peines peuvent être cumulées; en cas de récidive dans les trois ans qui ![]() ![]() | |
La question qui se pose est celle de savoir si l'art. 66 LAMA doit être considéré comme une règle spéciale qui exclut l'application des art. 148 et 251 CP et si l'on se trouve en présence d'un concours improprement dit. Pour la trancher, il faut examiner si, d'après son sens et son texte, l'art. 66 LAMA vise sous tous leurs aspects les actes dont Treyvaud s'est rendu coupable.
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Selon la jurisprudence, il y a par exemple concours improprement dit entre les dispositions spéciales sur la confection des affidavits ou de pièces bancaires analogues et l'art. 251 CP (RO 76 IV 90); de même, ce sont les règles du droit pénal fiscal, à l'exclusion de l'art. 251 CP, qui sont applicables à l'employeur qui indique, dans une attestation de salaire destinée à l'autorité fiscale, un montant inférieur à celui qu'il a en réalité versé à son employé (RO 81 IV 168); en revanche, les dispositions pénales de la loi sur les douanes n'excluent pas l'application du droit pénal ordinaire en cas de contravention douanière avec falsification (RO 77 IV 45, 80 IV 39).
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Contrairement à l'opinion de la Cour de cassation vaudoise, qui est partagée par certains auteurs (HAFTER, Partie spéciale p. 277, GRAVEN, Sur l'unification de la répression pénale, Revue pénale suisse, 1933, p. 3-4, D ÜRR, Commentaire de la LAMA à l'art. 66 al. 1) et par la jurisprudence de différentes juridictions cantonales (Zurich, Revue suisse de jurisprudence 1921/22, p. 242-245, 260, arrêt Pratissoli du 4 septembre 1948; Thurgovie, Revue suisse de jurisprudence 1923/24, p. 153-154; Soleure, Bulletin de jurisprudence pénale 1948, no 88, p. 45; Berne, cité par WAIBLINGER, Revue pénale suisse ![]() ![]() | |
L'art. 66 LAMA réprime la contravention intentionnelle aux prescriptions des art. 64 et 65 ainsi qu'aux règlements édictés pour en assurer l'application; il punit les actes ou les omissions qui violent l'obligation de tenir à jour et en bon ordre les listes de paie, de fournir à la Caisse nationale les renseignements qu'elle demande, de se soumettre à son contrôle (art. 64) et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les accidents; il a pour but de garantir le fonctionnement de l'assurance obligatoire contre les accidents et de protéger à cette fin ses intérêts (RO 81 IV 118, consid. 2). Les art. 148 et 251 CP visent en revanche à défendre le patrimoine en soi, indépendamment des rapports juridiques particuliers existant entre l'auteur et la Caisse nationale et du fonctionnement de l'assurance obligatoire. Le but de l'art. 66 LAMA d'une part et celui des art. 148 et 251 CP d'autre part, de même que les biens juridiques qu'ils protègent, sont ainsi essentiellement différents. Les éléments constitutifs de l'escroquerie et du faux dans les titres ne sont en outre pas les mêmes que ceux de l'infraction prévue par l'art. 66 LAMA. Les deux premiers crimes exigent la réunion de conditions que l'on ne retrouve pas à l'art. 66 LAMA: l'auteur doit avoir, ![]() ![]() ![]() ![]() | |
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale prononce:
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