16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.A. contre B.A., C. AG et Office des poursuites et des faillites (recours en matière civile) | |
5A_650/2022 du 13 octobre 2022 | |
Regeste | |
Art. 153 Abs. 2 lit. b SchKG; Betreibung auf Grundpfandverwertung; von den Ehegatten zusammen bewirtschaftetes landwirtschaftliches Gewerbe; Zustellung des Zahlungsbefehls.
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Sachverhalt | |
A.a Le 4 novembre 2019, C. SA (ci-après: la banque) a déposé auprès de l'Office des poursuites et faillites de Delémont (ci-après: l'office) une réquisition de poursuite en réalisation de gage immobilier à l'encontre de B.A. (ci-après: le débiteur) pour une créance incorporée dans des cédules hypothécaires, avec un capital nominal total de 784'000 fr., grevant les parcelles nos x, y ss du ban de U. et z du ban de V. (poursuite n° ... - domaine W.).
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Le 8 novembre 2019, le commandement de payer a été notifié au débiteur, qui y a formé opposition totale le 14 novembre 2019.
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La mainlevée provisoire de l'opposition a été prononcée le 22 septembre 2020 pour le droit de gage et les sommes de 744'000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 1er octobre 2019, respectivement de 9'059 fr. 50.
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La vente du bien immobilier concerné a été requise le 3 novembre 2020.
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A.b Le 1er octobre 2021 A.A., épouse du débiteur, a déposé auprès de l'office une requête tendant à ce qu'un exemplaire du commandement de payer précité lui soit également notifié, au motif que la poursuite en cause porte sur une entreprise agricole qu'elle exploite conjointement avec le débiteur et que ladite entreprise ne peut être aliénée qu'avec le consentement du conjoint, à l'instar de ce qui prévaut pour le logement de la famille.
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A.c Par courrier du 8 octobre 2021, l'office a informé A.A. qu'il entendait donner une suite favorable à sa requête, dès lors que le logement qu'elle occupe fait partie du domaine W. et qu'il peut être considéré comme un logement de la famille, au sens de l'art. 169 CC. Une copie dudit courrier a notamment été transmise à la banque.
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A.d Le 21 octobre 2021, la banque a formé une plainte, concluant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2021 de l'office de notifier un double du commandement de payer à A.A. dans la poursuite n° ... et à ce qu'aucun commandement de payer ne lui soit notifié dans ladite poursuite.
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A.e Par arrêt du 17 août 2022, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton du Jura, en sa qualité d'autorité cantonale de surveillance, a admis la plainte et, partant, annulé la décision du 8 octobre 2021 et ordonné à l'office de ne pas notifier de commandement de payer à A.A. sur la base de l'art. 153 al. 2 let. b LP dans la poursuite n° ... dirigée contre B.A. ![]() | |
(résumé)
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3.1 L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant ![]() ![]() | |
Erwägung 3.2 | |
L'art. 153 al. 2 let. b LP a été introduit dans le cadre de la révision de la LP du 16 décembre 1994, entrée en vigueur le 1er janvier 1997. Il n'était pas prévu dans le Message du Conseil fédéral (cf. FF 1991 III 269 [124]) et a été intégré dans la loi sur proposition de la commission du Conseil des Etats (BO 1994 CE 732; arrêt 7B.231/1997 du 10 novembre 1997 consid. 1 et la référence), à laquelle les deux conseils ont adhéré (GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Art. 89-158, 2000, n° 6 ad art. 153 LP). Il s'agissait de tenir compte de l'art. 169 CC, entré en vigueur le 1er janvier 1988, et d'étendre la protection du logement de la famille à la réalisation forcée de l'immeuble (cf. arrêt 7B.231/1997 précité loc. cit.; BERNHEIM/KÄNZIG/GEIGER, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 3e éd. 2021, ![]() ![]() | |
L'art. 40 LDFR a été introduit dans le but de compenser l'affaiblissement de la situation juridique du conjoint dans l'intérêt des objectifs de politique agricole de la LDFR, dès lors que, sous l'empire de l'ancien droit (loi fédérale du 12 juin 1951 sur le maintien de la propriété foncière rurale [LPR], abrogée par la LDFR du 4 octobre 1991 entrée en vigueur le 1er janvier 1994), le conjoint disposait d'un droit de préemption alors que, dans la LDFR, il est expressément mentionné que l'aliénation au conjoint constitue un cas de préemption en faveur d'un parent qui entend exploiter à titre personnel au sens de l'art. 42 LDFR (DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, op. cit., n. 212e p. 179; STEINAUER, La nouvelle réglementation du droit de préemption, RNRF 1992 p. 1 ss [14 s.]; STUDER, in Das bäuerliche Bodenrecht - Kommentar zum Bundesgesetz über das bäuerliche Bodenrecht vom 4. Oktober 1991, 2e éd. 2011, n° 1 ad art. 40 LDFR).
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3.3 L'art. 153 al. 2 let. b LP ne fait référence qu'aux art. 169 CC et 14 de la loi fédérale du 18 juin 2004 sur le partenariat enregistré entre ![]() ![]() | |
Le législateur a donc bien apporté une réponse à la question de savoir à qui le commandement de payer doit être notifié dans une poursuite en réalisation de gage immobilier. Même à considérer, comme le soutient la recourante, que cette réponse serait insatisfaisante, il s'agirait d'une lacune improprement dite, qui ne peut être comblée par le juge, selon la jurisprudence susrappelée, dès lors notamment que l'invocation de la règle en cause dans sa portée décrite ci-avant ne constitue dans tous les cas pas un abus de droit, ni n'entraîne une violation de la Constitution. La recourante ne peut en effet être suivie lorsqu'elle soutient que le refus d'interpréter l'art. 153 al. 2 let. b LP en ce sens qu'il vise aussi l'art. 40 al. 1 LDFR par analogie avec l'art. 169 CC viole les art. 6 par. 1 et 13 CEDH ainsi que l'art. 29a Cst. Elle affirme premièrement de manière péremptoire que l'impossibilité qui lui est faite, faute de notification du commandement de payer, de former opposition à la poursuite considérée et d'en influencer la voie viole l'art. 6 par. 1 CEDH en ce qu'elle l'empêche de protéger ![]() ![]() | |
Deuxièmement, la recourante fait valoir que les art. 13 CEDH et 29a Cst. seraient violés en tant qu'elle a été privée de son droit à un recours effectif contre le refus injustifié de lui notifier un commandement de payer. Or, étant rappelé que l'art. 13 CEDH (droit à un recours effectif), absorbé par l'art. 6 par. 1 CEDH précité, n'offre en principe pas de protection plus étendue que l'art. 29a Cst. (arrêt 2C_495/2021 du 9 février 2022 consid. 4.2 et les références citées), on ne voit pas en quoi la recourante aurait été privée d'accès au juge s'agissant de la question de la notification en ses mains du commandement de payer litigieux, qui a été pleinement examinée par les juges précédents dans le cadre de l'arrêt présentement attaqué. Elle ne l'explicite du reste pas plus avant.
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Il suit de là que l'on ne décèle aucune lacune de la loi qu'il conviendrait de combler. Un tel constat scelle le sort du présent recours, les autres griefs de la recourante portant sur la qualité d'exploitation commune du domaine W. au sens de l'art. 40 al. 1 LDFR. Or, compte tenu de ce qui précède, cette disposition est sans pertinence pour le cas d'espèce, respectivement pour juger de la bonne application de l'art. 153 al. 2 let. b LP. ![]() |