51. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre Union Internationale de Biathlon (IBU) (recours en matière civile) | |
4A_232/2022 du 22 décembre 2022 | |
Regeste | |
Art. 190 Abs. 2 lit. b IPRG; internationale Sportschiedsgerichtsbarkeit; Schiedsentscheid; Schiedsvereinbarung; Zuständigkeitsrüge; Schiedsgericht; Rechtsnatur der Anti-Doping-Kammer des Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
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Es ist nicht Aufgabe des Bundesgerichts, abstrakt zu beurteilen, ob die Anti-Doping-Kammer des TAS (CAD TAS) mitunter einem echten Schiedsgericht gleichgesetzt werden kann. Im zu beurteilenden Fall handelte die CAD TAS nicht als Schiedsgericht und der Entscheid, den sie als erstinstanzliche Disziplinarbehörde aufgrund einer einseitigen Delegation des betroffenen Sportverbands fällte, ist kein Schiedsentscheid, weshalb die Rüge der Unzuständigkeit unzulässig ist (E. 5.9.2-5.9.4).
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Sachverhalt | |
A.a A. (ci-après: l'athlète) est un ancien biathlète de niveau international. Il a remporté plusieurs médailles olympiques aux Jeux Olympiques de Vancouver 2010 et de Sotchi 2014.
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L'International Biathlon Union (IBU) est l'instance dirigeante du biathlon au niveau mondial; son siège se trouve en Autriche.
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A.b L'athlète a débuté sa carrière au niveau international en 2005. Il a mis un terme à sa carrière sportive en 2014.
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A.c Jusqu'en octobre 2019, l'IBU gérait elle-même intégralement, à l'interne, les procédures disciplinaires relatives à d'éventuelles infractions aux règles antidopage commises par des biathlètes. Les décisions rendues en première instance par l'organe juridictionnel de ladite association, à savoir l' Anti-Doping Hearing Panel de l'IBU (ci-après: l'ADHP), pouvaient ensuite faire l'objet d'un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
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Lors de l'entrée en vigueur en date du 19 octobre 2019 de la nouvelle édition de son règlement antidopage ("IBU Anti-Doping Rules"; ci-après: le règlement antidopage de 2019), l'IBU a modifié ses règles procédurales dans le domaine de la lutte antidopage. Si elle a maintenu en son sein le processus de gestion des résultats en la matière ainsi que la poursuite d'éventuelles violations des règles antidopage, elle a en revanche délégué son pouvoir disciplinaire à la Chambre antidopage du TAS (CAD TAS), créée en 2019, afin que cet organisme siège "as the Disciplinary Tribunal" (art. 8.1 du règlement antidopage de 2019 fondé sur l'art. 30.2 des statuts de l'IBU ![]() ![]() | |
A.d Le 21 janvier 2020, l'IBU a accusé l'athlète d'avoir enfreint l'art. 2.2 des règles antidopage de l'IBU (édition 2009) entre 2010 et 2014 sur la base d'anomalies repérées dans les échantillons de sang fournis en vue d'établir son passeport biologique.
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Le 7 février 2020, l'athlète a contesté les accusations de dopage proférées à son encontre.
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B.
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B.a Le 25 février 2020, l'IBU a saisi la CAD TAS d'une "requête d'arbitrage", au sens de l'art. A13 du règlement d'arbitrage de la CAD TAS (ci-après: le règlement de la CAD TAS), dirigée contre l'athlète.
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Le défendeur a excipé de l'incompétence de la CAD TAS.
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Après avoir tenu des audiences les 26 août et 1er septembre 2020, l'avocate irlandaise désignée en qualité d'arbitre unique par le TAS a rendu sa décision, intitulée "Arbitral Award", en date du 27 octobre 2020. Elle s'est déclarée compétente et a admis la requête déposée par l'IBU. Elle a constaté l'existence d'une infraction à la réglementation antidopage de l'IBU, prononcé la suspension de l'athlète pour quatre ans à compter de la décision et ordonné la disqualification de tous les résultats obtenus par ce dernier entre le 24 janvier 2010 et la fin de la saison 2013/2014, sanction impliquant notamment le retrait de l'ensemble des médailles, points et prix gagnés par l'athlète.
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B.b Le 13 novembre 2020, l'athlète a appelé de cette décision auprès de la CAA TAS conformément aux art. 47 ss du Code de l'arbitrage en matière de sport (ci-après: le Code).
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Le 23 novembre 2020, l'intéressé a également formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la décision rendue par la CAD TAS.
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Le 2 décembre 2020, l'appelant a soulevé une exception d'incompétence devant la CAA TAS et a présenté une requête tendant à la limitation de la procédure à cette question. ![]() | |
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La Formation de la CAA TAS, composée de trois arbitres, a décidé de scinder la procédure et d'examiner préliminairement les questions relatives à la compétence et à la composition de la CAD TAS.
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Par sentence du 8 avril 2022, intitulée "Award on jurisdiction and other preliminaries issues", la Formation s'est déclarée compétente pour connaître de l'appel formé par l'athlète à l'encontre de la décision rendue le 27 octobre 2020 par la CAD TAS. Elle a reconnu que celle-ci était compétente pour statuer en première instance sur le cas de l'athlète et qu'elle n'avait pas été irrégulièrement constituée.
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C. Le 24 mai 2022, l'athlète (ci-après: le recourant) a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.
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(résumé)
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Erwägung 5.2 | |
5.2.2 La sentence arbitrale, au sens de l'art. 189 LDIP, est une décision rendue, sur la base d'une convention d'arbitrage, par un tribunal non étatique auquel les parties ont confié le soin de trancher ![]() ![]() | |
La convention d'arbitrage est un accord par lequel deux ou plusieurs parties déterminées ou déterminables s'entendent pour confier à un tribunal arbitral ou à un arbitre unique, en lieu et place du tribunal étatique qui serait compétent, la mission de rendre une sentence à caractère contraignant sur un ou des litige(s) existant(s) (compromis arbitral) ou futur(s) (clause compromissoire) résultant d'un rapport de droit déterminé (ATF 147 III 107 consid. 3.1.2; ATF 142 III 239 consid. 3.3.1; arrêts 4A_64/2022 du 18 juillet 2022 consid. 6.3.1; 4A_174/2021 du 19 juillet 2021 consid. 5.2.1; 4A_676/2014 du 3 juin 2015 consid. 3.2.2). Il importe que la volonté d'exclure la juridiction étatique normalement compétente au profit de la juridiction privée que constitue un tribunal arbitral y apparaisse (ATF 142 III 239 consid. 3.31; ATF 138 III 29 consid. 2.2.3). Les effets de la convention d'arbitrage se caractérisent ainsi, d'une manière générale, par la dérogation à une compétence de jugement donnée et la prorogation d'un autre pouvoir décisionnel (arrêt 4C.44/1996 du 31 octobre 1996 consid. 2).
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Selon l'art. 75 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), tout sociétaire est autorisé de par la loi à attaquer en justice, dans le mois à compter du jour où il en a eu connaissance, les décisions auxquelles il n'a pas adhéré et qui violent les dispositions légales ou statutaires. Cette disposition est de droit impératif en ce sens que les statuts de l'association ne peuvent pas exclure le contrôle des décisions de l'association par un tribunal indépendant. Il est généralement admis que les litiges relatifs à ce genre de décisions, y compris ceux ayant trait à des peines disciplinaires, peuvent être soumis à un tribunal arbitral pour autant que celui-ci constitue un véritable tribunal indépendant et impartial et non pas le simple organe ![]() ![]() | |
(...)
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5.9.2 Dans ses écritures, le recourant a clairement indiqué que son recours vise à faire trancher une fois pour toutes les questions ayant trait à la qualification juridique de la CAD TAS et à la nature des procédures conduites sous son autorité. Cela étant, il n'appartient pas à la Cour de céans d'y répondre abstraitement. Il faut en effet bien voir, comme l'a du reste souligné à juste titre la CAA TAS, que la CAD TAS peut tirer sa compétence pour connaître d'un litige de fondements juridiques très différents. L'art. A2 du règlement de la CAD TAS prévoit ainsi qu'une affaire peut lui être soumise sur la base d'une clause arbitrale figurant dans la réglementation interne d'un signataire du Code Mondial Antidopage (CMA), d'un contrat ou d'un accord spécifique. En outre, la CAD TAS peut, suivant les cas, être appelée à statuer dans des compositions différentes (un arbitre unique ou une formation comprenant trois arbitres). Or, le choix offert aux parties dans la désignation des arbitres et les voies de recours à leur disposition varient suivant la composition dans laquelle la CAD TAS statue. Ainsi, lorsque les parties choisissent de soumettre le litige qui les divise à une formation de la CAD TAS comprenant trois ![]() ![]() | |
Pour résoudre la question litigieuse, il convient, bien plutôt, de se pencher sur le rôle assigné en l'occurrence à la CAD TAS, sur la nature du pouvoir exercé par elle et sur le fondement juridique de la compétence de la CAD TAS pour connaître du présent litige. A cet ![]() ![]() | |
Force est dès lors d'admettre que la CAD TAS a, en l'occurrence, rendu une décision en qualité d'autorité juridictionnelle de première instance, sur délégation de compétence de l'intimée, en lieu et place de l'ancien organe disciplinaire de l'intimée chargé d'assurer le respect de la réglementation en matière de lutte antidopage édictée par elle. On ne saurait ainsi retenir que la nature des décisions rendues pour le compte d'une fédération sportive serait susceptible de varier suivant qu'un organe juridictionnel de celle-ci statue lui-même ou ![]() ![]() | |
Par surabondance, on relèvera encore que le recourant semble lui-même douter de la nature arbitrale de la CAD TAS car, comme le relèvent l'intimée et le TAS, sans être contredits par l'intéressé, ce dernier avait remplacé, de manière systématique, le terme "sentence" par celui de "décision" dans l'ordonnance procédurale établie par la CAD TAS et avait en outre ajouté la mention manuscrite suivante: "Both parties challenge that the CAS ADD [CAD TAS] is a proper arbitration tribunal pursuant to PILA".
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5.9.4 Au vu de ce qui précède, le moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP se trouve frappé d'irrecevabilité, en tant que l'intéressé cherche à obtenir un contrôle indirect de la compétence de la CAD TAS, laquelle n'a en l'occurrence pas agi en tant que véritable tribunal arbitral, mais en qualité d'autorité juridictionnelle disciplinaire de première instance sur délégation de l'intimée. Dans la mesure où toute l'argumentation du recourant visant à établir l'incompétence de la CAA TAS repose sur la prémisse, non avérée, selon laquelle l'autorité de première instance, à savoir la CAD TAS, se serait déclarée à tort compétente en l'espèce, question que le Tribunal fédéral ne peut pas revoir sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP mais uniquement au regard de la contrariété à l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, - grief que l'intéressé n'invoque pas -, il s'ensuit logiquement que la démonstration effectuée par le recourant est vouée à l'échec. ![]() |