50. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre B. PLC, C. JSC, D. LLP et E. LLP (recours en matière civile) | |
5A_697/2020 du 22 mars 2021 | |
Art. 32 ff. LugÜ; Anerkennung und Vollstreckung eines englischen Urteils; Folgen des Brexit für die Anwendbarkeit des LugÜ. | |
Art. 271 Abs. 1 Ziff. 6 und Abs. 3 SchKG; Art. 278 SchKG, Art. 319 und 327a ZPO; Arrest gestützt auf ein "Lugano"-Urteil; Exequatur dieses Urteils; Rechtsmittelwege. | |
Sachverhalt | |
A.a Par acte du 26 novembre 2019, invoquant le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, B. PLC, C. JSC, D. LLP et E. LLP (ci-après: les requérantes) ont requis de la Justice de paix du district d'Aigle qu'elle ordonne le séquestre, à concurrence d'un montant de 10'258'439 fr. 60, contrevaleur de 8'000'000 £ au cours de 1 £ pour 1 fr. 28230, de divers biens et avoirs bancaires appartenant à A. et qu'elle les dispense de fournir des sûretés. Préalablement, les requérantes ont conclu à ce que le jugement prononcé le 17 octobre 2019 par la High Court of justice of England and Wales dans l'affaire CL-x-x soit reconnu et déclaré exécutoire en Suisse (art. 105 al. 2 LTF).
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A.b Le 3 décembre 2019, la Juge de paix du district d'Aigle (ci-après: juge de paix) a scellé les deux ordonnances de séquestre requises, indiquant comme titre de la créance le jugement ("Order") du 17 octobre 2019 de la High Court of Justice of England and Wales .
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B.
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B.a Par actes des 19 et 23 décembre 2019, A. a formé opposition au séquestre.
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B.b Par prononcé motivé du 3 avril 2020, la juge de paix a rejeté ladite opposition et confirmé les ordonnances de séquestre du 3 décembre 2019.
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B.c Par acte du 16 avril 2020, A. a recouru contre ce prononcé, concluant principalement à l'admission de son opposition, à l'annulation des ordonnances de séquestre du 3 décembre 2019 et à ce que les frais de première instance soient mis à la charge des intimées, subsidiairement à ce que celles-ci soient astreintes à verser la somme de 1'000'000 fr. à titre de sûretés.
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B.d Par arrêt du 24 juillet 2020, expédié le 31 suivant, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: Cour des poursuites et faillites) a rejeté le recours et confirmé le prononcé attaqué.
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C. Par acte posté le 28 août 2020, A. exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt du 24 juillet 2020. Elle conclut à la réforme de l'arrêt entrepris dans le sens des conclusions principales de son recours cantonal, les frais et dépens de deuxième instance étant mis à la charge des intimées. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi ![]() ![]() | |
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises.
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D. Par courrier du 29 janvier 2021, la recourante a fait valoir que, compte tenu de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne le 1er février 2020 (Brexit) et de la fin de la période de transition le 31 décembre 2020, la procédure en cours ne devait désormais plus être jugée selon les règles de la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (Convention de Lugano, CL; RS 0.275.12), mais selon celles de la LDIP (RS 291). Son recours devait ainsi être admis pour ce motif déjà.
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Par courrier du 9 février 2021, les intimées ont fait valoir que l'"Order" anglais ayant été rendu et déclaré exécutoire avant le Brexit, la procédure continuait à être régie par la CL.
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E. Invité à une prise de position facultative sur la question de l'applicabilité de la CL, l'Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ) s'est, par courrier du 15 février 2021, déterminé en ce sens que la reconnaissance en Suisse des décisions prises au Royaume-Uni avant le 1er janvier 2021 continuait, selon lui, à être régie par la CL.
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(résumé)
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6.1.1 Les Etats parties à la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 sont l'Union européenne, la Suisse, l'Islande, la Norvège et le Danemark (sans les Iles Féroé et le Groenland), mais pas le Royaume-Uni. Celui-ci était jusqu'à présent un Etat lié par la CL en sa qualité de membre de l'Union européenne (cf. art. 1 par. 3 CL; SIEVI, Auswirkungen des Brexit auf die Vollstreckung von ausländischen Urteilen, PJA 2018 p. 1096 ss, 1097). Il est toutefois sorti de celle-ci le 31 janvier 2020 ("Brexit"). Les modalités de cette sortie ont été réglées par l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (JO L 29 du ![]() ![]() | |
Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué, rendu pendant la période de transition et portant sur la reconnaissance et l'exécution d'un jugement anglais rendu avant le Brexit, se fondait à juste titre sur la CL (cf. ég. arrêt de l'Obergericht du canton de Zurich du 15 septembre 2020 [RV200011] consid. 4.2; MARKUS/HUBER-LEHMANN, Rechtsprechung zum Lugano-Übereinkommen [2019], RSDIE 2020 p. 295 ss, 297).
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La question de savoir quelles sont, à partir du 1er janvier 2021, les conséquences du Brexit sur la reconnaissance et l'exécution en Suisse des jugements rendus au Royaume-Uni est discutée, la CL ne réglant pas de manière spécifique la situation dans laquelle un Etat cesse d'être lié par la Convention et ne contenant pas de disposition de droit transitoire applicable à cet égard. Qu'ils se réfèrent, pour résoudre cette question, à l'art. 63 CL (MARKUS, Internationales Zivilprozessrecht, 2e éd. 2020, p. 177 n. 668; le même, Rechtsprechung zum Lugano-Übereinkommen [2018], RSDIE 2019 p. 67 ss, 69) ou à l'art. 70 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 ![]() ![]() | |
En l'espèce, non seulement l'"Order" du juge anglais sur lequel se fonde le séquestre a été rendu avant le Brexit, mais l'entier de la procédure cantonale ainsi que le dépôt du recours auprès du Tribunal de céans ont également eu lieu avant la fin de la période de transition (cf. supra consid. 6.1.1). Par ailleurs, on ne discerne pas quel intérêt public majeur, dont l'application ne souffrirait aucun délai, justifierait d'appliquer pour la première fois la LDIP dans la procédure pendante devant le Tribunal fédéral ( ATF 141 II 393 consid. 2.4), étant précisé que les principes énoncés aux art. 1 ss Tit. fin. CC, notamment le principe de non-rétroactivité, doivent être pris en considération pour l'interprétation des art. 196 ss LDIP ( ATF 145 III 109 consid. 5.6) et que l'on peut dans certains cas se distancier de l'art. 199 LDIP lorsque le nouveau droit applicable est plus strict que l'ancien (cf. ATF 145 III 109 consid. 5.6).
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Il s'ensuit que le présent litige continue à être régi par la Convention de Lugano.
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Erwägung 6.2 | |
6.2.1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse, lorsqu'il possède contre celui-ci un titre de mainlevée définitive (art. 271 al. 1 ch. 6 LP), soit notamment un jugement exécutoire (cf. art. 80 al. 1 LP; ATF 143 III 693 consid. 3.4.2; ATF 139 III 135 consid. 4.2; arrêts 5A_151/2020 du 13 mai 2020 consid. 5.2.2.2.1; 5A_953/2017 du 11 avril 2018 consid. 3.2.2.1). Les décisions étrangères peuvent représenter des titres de mainlevée définitive, dans la mesure ![]() ![]() | |
Le juge qui entend prononcer le séquestre requis sur la base d'un jugement "Lugano" doit statuer sur l'exequatur de celui-ci ( ATF 139 III 135 consid. 4.5.2 i.f.; parmi d'autres: KREN KOSTKIEWICZ, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs SchKG [SK Kommentar], 4e éd. 2017, n° 91 ad art. 271 LP; ARNOLD, op. cit., p. 234 n. 864 et p. 235 s. n. 867; BOLLER, Abwehrmassnahmen: Arresteinsprache und Beschwerde, PCEF 2017 p. 44 ss, 47; arrêt du Kantonsgericht des Grisons du 22 mai 2013, in CAN 2014 p. 38 n° 15, consid. 6b et 6c), soit par une ordonnance distincte (BOVEY, La révision de la Convention de Lugano et le séquestre, JdT 2012 II p. 80 ss, 91), soit directement dans le dispositif de l'ordonnance de séquestre (BAUER, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Ergänzungsband zur zweiten Auflage, 2017, n° 104 ad art. 271 LP citant un arrêt de l'Obergericht de Zurich du 18 décembre 2014 [PS140239-O/U] consid. 4.3, non publié sur ce point in BlSchK 2015 p. 244). La pratique antérieure à la révision de la LP induite par la CL révisée consistant à statuer à titre incident sur l'exequatur, bien que parfois encore suivie en pratique (cf. MEIER-DIETERLE, in SchKG, Kurzkommentar, 2e éd. 2014, n° 17n ad art. 271 LP) ou expressément envisagée par la doctrine (JEANDIN, Point de situation sur le séquestre à la lumière de la Convention de Lugano, SJ 2017 II p. 27 ss, 34 et 37; HAUBENSAK, Umsetzung der Vollstreckung und Sicherung nach dem Lugano-Übereinkommen in das Schweizer Recht, 2017, p. 197 ss), n'est pas conforme au texte clair de l'art. 271 al. 3 LP et ne saurait ainsi perdurer s'agissant de jugements "Lugano" (KREN KOSTKIEWICZ, SK Kommentar, loc. cit.; la même, in IPRG/LugÜ Kommentar [OFK Kommentar], 2e éd. 2019, n° 10 ad art. 47 CL; BAUER, loc. cit.; dans ce sens: ATF 139 III 135 consid. 4.5.2 i.f., qui n'admet cette pratique que s'agissant de jugements "non Lugano" ou de sentences arbitrales étrangères). ![]() | |
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6.2.2 Le prononcé du séquestre peut être attaqué par la voie de l'opposition dans les dix jours à compter de celui de sa connaissance (art. 278 al. 1 LP), puis, comme le refus du séquestre, par celle d'un recours selon les art. 319 ss CPC (art. 278 al. 3 LP; BASTONS BULLETTI, in CPC, Code de procédure civile, 2021, n° 6 ad art. 327a CPC et les références). En revanche, la question du caractère exécutoire de la décision "Lugano" fondant la requête de séquestre ne peut être examinée que dans le recours prévu à l'art. 327a CPC, ![]() ![]() ![]() |