33. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Uber Switzerland GmbH contre Office cantonal de l'emploi du canton de Genève (recours en matière de droit public) | |
2C_575/2020 du 30 mai 2022 | |
Regeste | |
Art. 12 AVG; Art. 26 AVV; Art. 319 OR; Personalverleih; digitale Plattform, die Essenslieferungen nach Hause anbietet (Uber Eats).
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Sachverhalt | |
A.a La société à responsabilité limitée Uber Switzerland GmbH (ci-après: Uber CH), inscrite depuis le 27 mars 2013 au Registre du commerce du canton de Zurich et de siège à Zurich, est une des sociétés du groupe Uber, dont la société mère est Uber Technologies Inc., sise à San Francisco aux Etats-Unis. Uber CH est entièrement détenue par Uber International Holding B.V., dont le siège est à Amsterdam aux Pays-Bas et qui en est également l'associée sans pouvoir de signature. Uber CH a notamment pour but statutaire de fournir des services de marketing et de soutien à d'autres entreprises (apparentées) en relation avec des services liés aux services de transport à la demande et aux services de livraison à la demande par le biais d'appareils mobiles et de services de soutien sur internet et de services connexes (a), ainsi que de fournir des services de diffuseurs de courses (c). Elle peut, pour ce faire, établir des succursales en Suisse et à l'étranger.
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A.b Uber Portier B.V. (ci-après: Uber Portier), de siège à Amsterdam, est une autre société du groupe Uber, dont l'unique actionnaire est Uber International B.V., également de siège à Amsterdam. (...)
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A.c Le groupe Uber dispose de locaux à Genève, sis à la route de Saint Julien à Carouge. (...)
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A.d Uber Eats (ci-après également: l'application ou la plateforme) est l'une des plateformes numériques développée par le groupe Uber. Elle propose un service de livraison de plats à domicile. Uber Portier détient les droits sur cette application.
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B.
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B.a Entre fin 2018 et début 2019, des rencontres ont eu lieu entre des représentants du groupe Uber et l'Office cantonal de l'emploi du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal), afin de déterminer si les activités déployées à Genève au moyen de l'application Uber Eats relevaient de la location de services, soumise à autorisation.
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Les représentants du groupe Uber ont remis différents documents à l'Office cantonal, notamment:
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- le "contrat de services technologiques" (CST), qui lie Uber Portier à une personne physique, lui permettant d'exécuter des demandes de livraison provenant d'un utilisateur autorisé par la plateforme, à savoir un restaurateur. Ce contrat règle l'activité des livreurs; ![]() | |
B.c Par décision du 11 juin 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'Office cantonal (...) a enjoint à Uber CH d'inscrire sa succursale de Genève au Registre du commerce de Genève, a assujetti cette succursale à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (loi sur le service de l'emploi, LSE; RS 823.11) en application des art. 12 et 13 LSE, ainsi que 26 à 29 de l'ordonnance du 16 janvier 1991 sur le service de l'emploi et la location de services (ordonnance sur le service de l'emploi, OSE; RS 823.111) et a imparti un délai de 30 jours à Uber CH pour lui faire parvenir un dossier complet de demande d'autorisation, faute de quoi les peines prévues par la loi seraient prononcées et la cessation des activités de la plateforme Uber Eats ordonnée.
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B.d Uber CH a formé un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre la décision du 11 juin 2019, que celle-ci a rejeté par arrêt du 29 mai 2020. (...)
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Le Tribunal fédéral a admis le recours en matière de droit public d'Uber CH.
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(extrait)
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4.1 Dans son arrêt, la Cour de justice a tout d'abord retenu que la recourante devait être considérée comme partie aux relations contractuelles avec les livreurs et les restaurateurs, même si les contrats principaux respectifs étaient conclus avec Uber Portier. Elle a ensuite considéré que la relation contractuelle entre la recourante et les livreurs devait être qualifiée de relation de travail, compte tenu du rapport de subordination existant, et celle entre la recourante et les restaurateurs de location de services. Une autorisation était partant ![]() ![]() | |
Pour examiner si l'on se trouve dans une situation de location de services, il sera fait référence à Uber sans autre précision quant à l'entité du groupe visée.
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5.1 La LSE régit la location de services (art. 1 let. a LSE), mais ne définit pas cette notion. La location de services désigne des relations tripartites entre un employeur (bailleur), une entreprise locataire et un travailleur (ATF 148 II 203 consid. 3.3.2; arrêt 2C_132/2018 du ![]() ![]() | |
Dans le canton de Genève, l'Office cantonal de l'emploi est l'autorité compétente pour l'application de la LSE (art. 2 de la loi cantonale genevoise du 18 septembre 1992 sur le service de l'emploi et la location de services [LSELS; rs/GE J 2 05]; art. 1 du règlement ![]() ![]() | |
6.1 La plateforme Uber Eats pour la livraison de repas (de même que la plateforme Uber pour le transport de passagers avec chauffeur) est une plateforme numérique de travail proposant une prestation de travail rémunérée (cf., sur les différents types de plateformes, Conseil fédéral, Conséquences de la numérisation sur l'emploi et les conditions de travail: opportunités et risques, rapport du 8 novembre 2017 [ci-après: conséquences de la numérisation], p. 40; Conseil fédéral, rapport sur les principales conditions-cadre pour l'économie numérique, 11 janvier 2017 [ci-après: rapport sur les conditions-cadre], p. 72 ss; BASSEM ZEIN, Travail pour les plateformes: quelles relations contractuelles?, PJA 2018 p. 711 ss, 712). Il est précisé que la ![]() ![]() | |
A noter que le fait qu'une société gérant une plateforme numérique de travail soit un employeur ne signifie pas encore que, vis-à-vis du ou des destinataire(s) de la prestation, on se trouve dans une situation de location de services. En revanche, on peut relever, parmi les autres cas de figure envisageables, que lorsque le prestataire de service a un contrat de travail non pas avec la société gérant la plateforme numérique, mais avec le destinataire de la prestation, l'activité proposée par la société gérant la plateforme peut tomber sous le coup du placement au sens de l'art. 2 al. 1 LSE, également soumis à autorisation (cf. PÄRLI, Sharing Economy, op. cit., p. 118 à 120; HIRSIGER, op. cit., p. 304 à 306).
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6.2 En l'occurrence, il résulte de l'arrêt entrepris que les restaurateurs ne choisissent pas le livreur et que celui-ci ne choisit pas sa mission; c'est l'application Uber Eats qui attribue un livreur à un restaurateur et à un client final. Il n'y a pas de relation directe entre le livreur et le restaurateur ou le client final. Par ailleurs, selon l'arrêt attaqué, Uber facture directement les prestations et fixe ![]() ![]() | |
Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l'existence d'un lien de subordination (ATF 125 III 78 consid. 4; ATF 112 II 41 consid. 1a/aa et consid. 1a/bb in fine), qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel ainsi que, dans une certaine mesure, économique (ATF 121 I 259 consid. 3a; arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.2). La dépendance économique du travailleur est un aspect typique du contrat de travail. Est déterminant le fait que, dans le contexte de la prestation que le travailleur doit exécuter, d'autres sources de revenus sont exclues et qu'il ne puisse pas, par ses décisions entrepreneuriales, ![]() ![]() | |
Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.1; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1). Le contrat de travail est en principe conclu intuitu personae. Il est en effet étroitement lié aux qualités et prestations du travailleur, ce qui implique aussi, sauf accord contraire ou si les circonstances l'y autorisent (art. 321 CO), que celui-ci exécute personnellement la prestation de travail (cf. GEISER/MÜLLER/PÄRLI, Arbeitsrecht in der Schweiz, 4e éd. 2019, p. 136 n. 303; AURÉLIEN WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 392 s., n. 1189; JEAN-PHILIPPE DUNAND, in Commentaire du contrat de travail, 2013, nos 5 s. ad art. 321 CO).
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En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit, révèlent l'existence d'un contrat de travail plutôt que d'un mandat (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.1; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).
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Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2; 2C_714/2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.4.2).
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Constituent des éléments typiques du contrat de travail le remboursement des frais encourus par le travailleur et le fait que l'employeur supporte le risque économique et que le travailleur abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré (arrêts 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3.2; 4A_64/ 2020 du 6 août 2020 consid. 6.3.5 et les arrêts cités). ![]() ![]() | |
6.4 Les sociétés proposant des prestations de travail par le biais de plateformes numériques ont pour trait commun de reposer sur des modèles plus flexibles de travail. Elles offrent une souplesse temporelle, spatiale et organisationnelle aux prestataires auxquels elles recourent (Conseil fédéral, rapport sur les conditions-cadre, p. 51 s.; Conseil fédéral, conséquences de la numérisation, p. 39 s.). Ceux-ci peuvent souvent s'inscrire sur la plateforme et la quitter sans grandes formalités, puis aménager la quantité et le moment de travail, voire le lieu (cf. ZEIN, op. cit., p. 712 s.). Pour leur part, les sociétés gérant ces plateformes ne disposent pas de locaux ni de matériel affectés à la production des prestations, ceux-ci étant fournis par les prestataires (idem). Un autre trait caractéristique est le transfert de l'évaluation du travailleur de la société gérant la plateforme au client (AURÉLIEN WITZIG, L'ubérisation du monde du travail, RDS 135/2016 I p. 457 ss, 462). Ces caractéristiques communes ne préjugent pas de la qualification des rapports juridiques. Les relations doivent être examinées pour chaque plateforme en fonction du modèle économique mis en place, lesdits modèles étant extrêmement variés, ainsi que des circonstances concrètes de la relation (cf. ZEIN, op. cit., p. 722; PÄRLI, NEUE FORMEN, OP. CIT., p. 251; HALPÉRIN/WACK, Location de services et plateformes digitales, application au modèle Uber Eats, Jusletter 6 avril 2020, para. 12; Conseil fédéral, conséquences de la numérisation, p. 57; cf. aussi JULIEN BILLARANT, Pour une approche nouvelle du rapport de subordination en droit privé suisse du travail, 2019, p. 373 ss). On relèvera néanmoins que des listes de critères en faveur de la qualification du contrat de travail ou d'une relation indépendante commencent à être établies dans la pratique sur la base de certaines clauses typiques des conditions générales que doivent accepter les prestataires (cf. par exemple: WYLER/ZANDIRAD, Plateformes numériques et contrat de travail, Jusletter 6 octobre 2020, para. 23 à 29; ZEIN, op. cit., p. 720; HALPÉRIN/WACK, op. cit., para. 59-60; Conseil fédéral, rapport sur les conditions-cadre, p. 78). De manière générale, des exercices de systématisation de l'activité des plateformes numériques de travail s'observent de plus en plus. A titre d'exemple, au niveau de l'Union ![]() ![]() | |
Un livreur peut refuser une livraison, mais il est averti que des refus répétés créent une "expérience négative" pour les utilisateurs (ch. 2.5 CST).
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Dès lors que les livreurs sont notés par les restaurateurs et les clients et qu'ils doivent maintenir une évaluation moyenne supérieure à la note fixée unilatéralement par Uber pour continuer à utiliser l'application, la mention de "l'expérience négative" constitue une forte incitation à accepter les demandes de livraison, qui relativise la prétendue complète liberté des livreurs alléguée par la ![]() ![]() | |
Tant les restaurateurs que les clients peuvent ainsi suivre pendant la course le livreur. Ils peuvent donc sanctionner par une mauvaise appréciation un itinéraire jugé peu favorable ou une livraison trop lente, étant rappelé les conséquences d'une notation moyenne insuffisante (avertissement, voire désactivation du compte). Par ailleurs, Uber Eats se réserve la possibilité de réduire les frais de livraison en cas d'itinéraire jugé inefficace (ch. 4.3 CST), ce que seule la géolocalisation permet de déterminer. La géolocalisation ne sert donc pas seulement à attribuer les demandes de livraison le plus rapidement possible comme le prétend la recourante. Il s'agit au contraire d'un moyen de contrôle de l'activité des livreurs. La plateforme exerce, par ce biais, une surveillance caractéristique d'une relation de subordination (sur la légalité d'un système de géolocalisation, cf. arrêt 2C_116/2011 et autres du 29 août 2011 consid. 8; ATF 130 II 425 consid. 4.2) et conditionne la manière d'exécuter la prestation.
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6.5.3 Comme cela a été exposé, il est recommandé aux livreurs de suivre les instructions des restaurateurs et d'attendre au moins 10 minutes chez ces derniers, respectivement chez les clients. Le contrat contient d'autres consignes à suivre et le chauffeur s'expose à des restrictions d'accès voire à la désactivation de son compte s'il ne se conforme pas aux conditions fixées (ch. 2.4 et ch. 3.1 CST; art. 105 al. 2 LTF). Comme le relève la recourante, de simples directives générales sur la manière d'exécuter une tâche ou la répétition d'obligations légales (comme le fait par exemple d'exiger un permis de ![]() ![]() | |
6.6.2 La recourante affirme que les livreurs seraient libres d'accepter une course venant d'une autre application concurrente pendant qu'ils sont connectés à l'application Uber Eats, soit pendant le travail pour la plateforme. Ce fait n'est pas établi dans l'arrêt attaqué, mais cela n'est pas déterminant. Selon l'art. 321a al. 3 CO, pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas accomplir du travail rémunéré pour un tiers dans la mesure où il lèse son devoir de fidélité et, notamment, fait concurrence à l'employeur (cf. ATF 138 III 67 consid. 2.3.1). Le fait qu'un employé soit expressément autorisé à ![]() ![]() | |
Quant à la liberté des livreurs de travailler pour d'autres plateformes lorsqu'ils ne sont pas connectés à la plateforme Uber Eats, elle se comprend comme la liberté d'exercer plusieurs activités à temps partiel et n'est donc pas significative de l'indépendance des livreurs.
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L'abandon de l'essentiel du pouvoir de direction à l'entreprise locataire constitue une caractéristique centrale de la location de services, ainsi qu'un critère important de démarcation d'avec d'autres relations contractuelles, notamment le mandat (ATF 148 II 203 consid. 3.3.2; arrêts 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.3.3; ![]() ![]() | |
La distinction entre le contrat de location de services et les contrats qui visent l'offre d'une prestation de nature différente à effectuer auprès d'un tiers doit s'effectuer dans chaque cas d'espèce, en s'appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation de travail concrète dans l'entreprise locataire (ATF 148 II 203 consid. 3.3.3; arrêt 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1). Le nom que les parties donnent au contrat n'est en revanche pas déterminant (arrêts 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1; 2C_ 356/2012 du 11 février 2013 consid. 3.4; 2A.425/2006 du 30 avril 2007 consid. 3.2).
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D'une part, la société gérant la plateforme peut recourir à des prestataires employés par des entreprises tierces, auquel cas il convient de se demander si elle-même est une locataire de services (PÄRLI, Sharing Economy, op. cit., p. 114 n. 190; HALPÉRIN/WACk, op. cit., p. 13 n. 73; ZEIN, op. cit., p. 719; cf. aussi l'avis rendu par le SECO à la demande du syndicat UNIA à propos des chauffeurs loués à Uber par des entreprises partenaires [cf. www.unia.ch/fr/actualites/ actualites/article/a/14710, consulté le 27 avril 2022]).
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D'autre part, il se peut que la société gérant la plateforme soit elle-même une bailleresse au sens de la loi sur la location de services, lorsqu'elle est l'employeur direct des prestataires et que ceux-ci exécutent une prestation auprès d'une entreprise locataire (PÄRLI, Sharing Economy, op. cit., p. 114 n. 190; HALPÉRIN/WACK, op. cit., p. 13 et ss; HIRSIGER, op. cit., p. 306 avec des exemples). C'est ce second cas de figure qui est envisageable en l'espèce s'agissant de la relation entre Uber et les restaurateurs.
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7.3 Selon l'arrêt attaqué, d'après le contrat-cadre directeur (contrat des restaurateurs), la plateforme Uber Eats est mise à disposition ![]() ![]() | |
7.5 La Cour de justice a estimé qu'il y avait cession du pouvoir de direction en faveur des restaurateurs du fait qu'Uber transmet aux livreurs "les directives raisonnables" des restaurateurs concernant la livraison de plats et que les livreurs sont tenus de respecter les instructions des restaurateurs d'après leur propre contrat. S'il s'agit simplement de demander le respect de méthodes de travail ou procédures propres à l'entreprise, l'obligation faite aux livreurs de respecter les consignes des restaurateurs ne caractérise pas une situation de location de services (arrêt 2A.425/2006 du 30 avril 2007 consid. 5.2.3). En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que les directives raisonnables des restaurateurs porteraient sur la mission de livraison en elle-même et la manière de l'exécuter. Le temps d'attente pour récupérer et remettre un plat au client (10 minutes à chaque fois) demeure par exemple du ressort de la plateforme. ![]() ![]() | |
Sur le vu de ce qui précède, le critère du transfert du pouvoir de direction au sens de l'art. 26 al. 1 OSE n'apparaît pas rempli, même partiellement.
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7.6 L'activité du livreur consiste à aller chercher un plat chez le restaurateur, puis à le livrer au destinataire final. Cette activité n'implique aucune forme d'intégration dans l'organisation du restaurant. En pratique, le livreur se rend à l'entrée du restaurant récupérer la marchandise commandée; il ne reste que quelques instants devant ou dans l'établissement, n'a pas de contacts avec les membres du personnel de celui-ci et n'est pas intégré dans les plannings de service. En ce sens, on ne peut pas non plus considérer que les restaurants engagent, au travers de la plateforme Uber Eats, de la main d'oeuvre. En termes d'organisation, les restaurateurs peuvent certes, grâce à la plateforme Uber Eats, se passer de salariés affectés à la tâche de livraison des plats, ainsi que l'a souligné la Cour de justice. ![]() ![]() | |
8. En résumé, il ressort des documents contractuels que les livreurs sont dans une situation de subordination propre au contrat de travail. Une situation de location de services ne peut donc d'emblée être exclue. Toutefois, il résulte du contrat des restaurateurs que la relation entre Uber et les restaurateurs ne relève pas de la location de services. Cela conduit à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt entrepris. Sur le vu de l'issue de la procédure, il n'est pas nécessaire d'examiner le rôle d'Uber CH en lien avec l'application Uber Eats plus en détails, ni de trancher le point de savoir si cette société peut être destinataire des obligations de droit public découlant de la LSE. Les autres griefs du recours n'ont pas besoin d'être traités. Il ne revient par ailleurs pas à la Cour de céans de déterminer dans le cadre du présent litige toutes les conséquences du constat de l'existence d'un statut de travailleurs pour les livreurs Uber Eats. ![]() |