29. Extrait de l'arrêt de la IIIe Cour de droit public dans la cause A. SA contre Commission communale de recours en matière de taxes et d'impôts communaux de la Commune d'Aigle (recours en matière de droit public) | |
9C_266/2023 du 19 septembre 2023 | |
Regeste | |
Art. 29 Abs. 1 und Art. 30 Abs. 1 BV; Rechtsnatur der Rekurskommission der Gemeinde Aigle für kommunale Steuern und Abgaben; Zulässigkeit des Hinzuziehens eines externen Dritten.
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Sachverhalt | |
A.a A. SA (ci-après: la société ou la contribuable) est propriétaire des parcelles n° x et n° y de la Commune d'Aigle (canton de Vaud). Le 2 mai 2022, la Municipalité de la Commune d'Aigle (ci-après: la Municipalité) a notifié à la contribuable deux décisions de taxation, l'une portant sur la taxe de raccordement aux eaux claires pour un montant de z fr. et l'autre sur la taxe de raccordement aux eaux usées pour un montant de a fr. La contribuable a déféré ces deux décisions auprès de la Commission communale de recours en matière de taxes et d'impôts communaux de la Commune d'Aigle (ci-après: la Commission communale de recours).
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A.b Par courrier du 21 décembre 2022, la Commission communale de recours a informé la Municipalité qu'au vu de la complexité du cas, elle avait décidé de confier un mandat à un avocat pour l'assister dans le suivi procédural et le traitement du recours et que son choix s'était porté sur Me B., avocat à Lausanne (ci-après: l'avocat externe). Cependant, ne disposant pas de ressources budgétaires propres, elle a indiqué à la Municipalité qu'elle lui ferait suivre pour paiement les factures d'honoraires de l'avocat externe.
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Le 23 décembre 2022, le Président, ainsi que la Greffière de la Commission communale de recours ont signé une procuration au nom de "la Commune d'Aigle, par sa Commission de recours (...)" en faveur de l'avocat externe. L'objet du mandat était libellé de la manière suivante: "Recours formé par A. SA à l'encontre des décisions rendues par la Municipalité d'Aigle (taxe de raccordement eau potable et taxe de raccordement eaux potables et eaux usées)".
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Le 23 janvier 2023, la société a pris connaissance des divers documents précités à l'occasion de la consultation du dossier de la procédure. ![]() | |
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B. Statuant par arrêt du 16 mars 2023, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, a rejeté le recours de la société dans la mesure où il est recevable.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. SA conclut principalement et en substance à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que sa demande de récusation contre Me B. soit admise et que la décision de nomination du 21 décembre 2022 de celui-ci soit annulée. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.
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Le Tribunal cantonal vaudois s'est référé à une précision de sa jurisprudence sur la qualification d'autorité administrative de la commission cantonale de recours instaurée par l'art. 45 de la loi vaudoise du 5 décembre 1956 sur les impôts communaux (LICom; BLV 650.11).
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Après que la Commission communale de recours a conclu au rejet du recours et que la Municipalité s'est brièvement déterminée, la contribuable a déposé des observations.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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(...)
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Erwägung 5 | |
5.1 Dans un arrêt 2C_797/2013 du 8 juillet 2014 (consid. 8), le Tribunal fédéral a considéré que l'art. 30 al. 1 Cst. s'appliquait pour statuer sur la composition de la Commission communale de recours ![]() ![]() | |
Nonobstant ces considérations - qui ne sont pas fondées sur un examen approfondi des caractéristiques d'une commission communale de recours en matière d'impôts - et compte tenu du raisonnement de la cour cantonale, qui se réfère à sa propre jurisprudence postérieure à l'arrêt précité du Tribunal fédéral, ainsi que des conclusions et motifs du recours, il convient de traiter de manière détaillée la question de savoir si la Commission communale de recours en matière de taxes et d'impôts communaux de la Commune d'Aigle constitue un tribunal au sens de l'art. 30 al. 1 Cst.
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Selon la jurisprudence, est considérée comme un "tribunal" au sens de cette disposition une autorité qui tranche des litiges en rendant des décisions motivées et contraignantes, fondées sur la loi et le droit, à l'issue d'une procédure ordonnée et équitable de nature judiciaire. Cette autorité ne doit pas nécessairement être intégrée à la ![]() ![]() | |
Selon la doctrine, une autorité judiciaire au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. est caractérisée, d'un point de vue fonctionnel, par son activité juridictionnelle et, du point de vue de son organisation, par son indépendance institutionnelle (RHINOW ET AL., Öffentliches Prozessrecht, 4e éd. 2021, § 7 n. 463; KIENER/KÄLIN/WYTTENBACH, Grundrechte, 3e éd. 2018, § 31 n. 46). Est déterminante une appréciation de l'ensemble des différents éléments pertinents (STEINMANN/SCHINDLER/WYSS, in Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 4e éd. 2023, nos 6 et 8 ad art. 30 Cst.; d'un autre avis, selon lequel la nature fonctionnelle est prépondérante, BOHNET, in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, nos 3 et 25 ss ad art. 30 Cst.).
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Erwägung 5.4 | |
5.4.2 L'art. 45 al. 1 LICom impose à chaque commune d'instituer une Commission communale de recours de trois membres au moins, nommés par le conseil communal ou général au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. L'al. 2 de cette disposition prévoit que sous réserve des art. 5 et 44 LICom, cette commission ![]() ![]() | |
Erwägung 6.1 | |
6.1.1 Le rôle de la Commission communale de recours, qui est considérée comme l'une des commissions instituées par la loi au sens de l'art. 40e LC (cf. DAVID EQUEY, La réforme de la loi vaudoise sur les communes, RDAF 2013 I p. 239), est clairement circonscrit par la loi. Elle est compétente pour statuer sur les recours contre toute décision prise en matière d'impôts ou taxes communaux et de taxes ![]() ![]() | |
Le législateur cantonal n'a toutefois pas précisé plus avant dans quelle mesure il entendait conférer auxdites commissions communales de recours le rôle d'un véritable tribunal ou s'il s'agissait de permettre aux communes d'instaurer une autorité chargée d'examiner sans trop de formalités une décision avec laquelle le contribuable n'était pas ![]() ![]() | |
En tout état de cause, l'aspect fonctionnel reposant sur l'activité juridictionnelle de la Commission communale de recours en lien avec l'intention du législateur, même renforcé par la mise en place d'une procédure organisée et transparente que celle-ci doit appliquer (cf. art. 47a LICom et le renvoi aux règles de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD; BLV 173.36]), n'est pas suffisant pour lui reconnaître la qualité d'une autorité judiciaire au sens de l'art. 30 al. 1 Cst., compte tenu des autres éléments qu'il convient encore de prendre en considération.
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Erwägung 6.2 | |
6.2.2 Il est constant que les membres de la Commission communale de recours (les commissaires) sont élus parmi les membres du parlement communal et par celui-ci, soit le Conseil communal d'Aigle. Sous un angle général et abstrait, même si une incompatibilité entre une fonction au sein de cette commission et au sein de l'organe législatif communal n'est pas prévue (cf. art. 143 al. 1 Cst./VD en relation avec l'art. 141 al. 1 Cst./VD), la double fonction exercée par les membres de la Commission communale de recours s'oppose à la reconnaissance d'une indépendance institutionnelle au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. Si, par le passé, l'aspect de l'indépendance institutionnelle a été apprécié de manière assez large, certains cantons admettant qu'une personne siège au parlement cantonal tout en exerçant la fonction de juge à titre principal ou comme suppléant (KURT EICHENBERGER, Die richterliche Unabhängigkeit als staatsrechtliches Problem, 1960, p. 230 s.), une telle approche ne correspond plus ![]() ![]() | |
Compte tenu de l'importance de l'indépendance institutionnelle, l'exercice de "doubles fonctions" comme membre du parlement et membre d'une autorité judiciaire est en principe prohibée, du moins lorsque ces fonctions concernent le même niveau de structure étatique. Le juge qui serait également membre d'un parlement, où il exerce une fonction politique, en vertu du mandat électif, également en tant que représentant d'une certaine tendance politique, apparaîtra difficilement comme indépendant, alors qu'il a adopté les normes qu'il s'agit d'appliquer ou d'examiner dans son activité juridictionnelle (REGINA KIENER, Richterliche Unabhängigkeit, 2001, p. 250 s.). En l'occurrence, dès lors que les membres de la Commission communale de recours (les commissaires) ont également comme attribution, en tant que membres du Conseil communal d'Aigle, de délibérer sur le projet d'arrêté d'imposition (cf. art. 17 ch. 4 RCC), on ne saurait reconnaître qu'ils disposent, sous l'angle général et abstrait, d'une indépendance institutionnelle au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. lorsqu'ils ont à se prononcer sur un recours contre "toute décision prise en matière d'impôts ou taxes communaux et de taxes spéciales" (sous réserve des art. 5 et 44 LICom; cf. art. 45 al. 2 LICom).
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6.3 Du point de vue organisationnel, il existe également des éléments incompatibles avec une qualification de tribunal au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. La Commission communale de recours est composée de sept membres et d'une greffière (cf. le site Internet de la Commune d'Aigle, www.aigle.ch, sous Autorités, officiel/Conseil communal/Commissions [consulté le 9 août 2023]). Si elle s'organise toute seule (art. 40 RCC) et délibère à huis clos (art. 45 § 1 RCC), elle prend toutefois ses décisions à la majorité absolue des membres présents - un quorum de quatre membres devant être atteint (cf. art. 45 § 1 RCC) - avec, en cas d'égalité des voix, le vote prépondérant du président (cf. art. 45 § 2 RCC). Or de telles modalités de prise de décision sont très inhabituelles pour un tribunal au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. Pour celui-ci, la jurisprudence exige qu'en cas de quorum, la loi doit prévoir dans quelles situations la ![]() ![]() | |
S'ajoute à cela que la rémunération des commissaires est fixée une fois par année par le Conseil communal, à l'instar des autres commissions du pouvoir législatif communal (cf. art. 17 ch. 14 RCC). Sous l'angle de l'indépendance organisationnelle, un tel mode de rémunération s'écarte du système usuel de rémunération des membres d'une autorité judiciaire, où le salaire est fixé par avance pour toute la durée de la législature (soit plusieurs années consécutives) dans le cadre d'un budget propre au tribunal.
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Erwägung 7 | |
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