27. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. contre Conseil fédéral suisse, représenté par le Département fédéral des finances (recours en matière de droit public) | |
2C_236/2022 du 2 mai 2023 | |
Regeste | |
Art. 83 lit. a BGG; Art. 32 Abs. 1 lit. a VGG; Art. 8 und 13 EMRK; Verletzung des Spezialitätsprinzips bei der internationalen Amtshilfe; Beschwerdelegitimation gegen Akte des Bundesrates im Bereich der Aussenbeziehungen; positive Verpflichtungen des Staates.
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Sachverhalt | |
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Par décision du 14 octobre 2011, notifiée à A. en sa qualité d'ayant droit économique des relations bancaires visées, la FINMA a accordé l'assistance administrative à l'AMF et a accepté de lui transmettre les informations recherchées, tout en rappelant expressément que celles-ci devaient être utilisées exclusivement pour la mise en oeuvre de la réglementation sur les bourses, le commerce de valeurs mobilières et les négociants en valeurs mobilières. Il a de plus été précisé que l'utilisation ou la transmission de ces informations à d'autres fins ne pourrait se faire qu'avec l'assentiment préalable de la FINMA.
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A.a Par courrier du 9 septembre 2019 intitulé "Plainte A. c/ République Française" adressé au Conseil fédéral, A. a conclu à ce qu'il plaise au Conseil fédéral de constater que les autorités françaises avaient violé le principe de spécialité en transmettant respectivement en retransmettant les informations obtenues de la FINMA à la suite de la décision d'assistance administrative rendue par cette autorité le 14 octobre 2011, et a requis du Conseil fédéral qu'il enjoigne les autorités françaises à restituer immédiatement à la FINMA l'ensemble des information précitées.
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A l'appui de ses conclusions, il a en substance exposé que l'AMF avait, dans le cadre d'une plainte de B., transmis au Tribunal de grande instance de Paris des éléments provenant de son dossier, se prévalant de l'accord obtenu de ses homologues étrangers pour une telle transmission. Le tribunal précité avait, plus tard, dans le cadre d'une enquête pénale pour faux et usage de faux ouverte à la suite d'une nouvelle plainte formée par B., adressé au Ministère public du canton de Genève une demande d'entraide judiciaire pénale. Dans ce contexte, le Ministère public avait sollicité des informations sur une requête en nullité de l'enquête pénale précitée qui faisait notamment état d'une atteinte aux principes de spécialité et de confidentialité en matière de coopération administrative internationale, au motif que la juge d'instruction en charge de l'enquête pénale en France avait annexé à son dossier des pièces transmises par la FINMA. La FINMA avait en outre confirmé, par courrier du 15 octobre 2018, ne pas avoir autorisé l'AMF ou toute autre autorité à retransmettre les informations et documents litigieux concernant A.
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A. a indiqué qu'il s'adressait au Conseil fédéral en qualité d'autorité compétente pour intervenir lorsque l'Etat auquel la coopération était accordée ne respectait pas ses obligations.
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A.b Par courrier du 3 février 2020, le Département fédéral des finances a considéré que, sur la base des pièces produites par A. dans sa plainte, aucune violation de la mise en oeuvre de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 25 janvier 2012 ne pouvait être constatée. Il n'y avait donc aucune raison pour la Confédération d'intervenir auprès de la République française.
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B. Le 11 février 2020, A. a requis le prononcé d'une décision formelle par le Conseil fédéral ou l'autorité délégataire. S'en sont suivis ![]() ![]() | |
Par écrit du 18 novembre 2020 adressé à A., le Conseil fédéral a qualifié le courrier de l'intéressé du 9 septembre 2019 de dénonciation et a relevé à cet égard que, puisqu'il n'était pas l'autorité de surveillance de la République française, il n'était pas habilité à entrer en matière sur celle-ci. Même s'il avait été compétent, il n'aurait pas pu, en vertu du principe de subsidiarité, intervenir contre l'Etat français, qui avait la possibilité de sanctionner une violation du principe de spécialité, comme l'avait démontré l'arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2020. Cet arrêt avait d'ailleurs cassé et annulé toutes les dispositions prises en violation du principe précité, de sorte que la dénonciation litigieuse était devenue sans objet. D'une manière générale, le Conseil fédéral pouvait tout au plus dénoncer les faits à l'autorité d'entraide, soit la FINMA, qui devait le cas échéant interrompre l'entraide avec l'autorité étrangère ou exiger des garanties supplémentaires. Or, la FINMA n'avait constaté aucun problème en matière d'assistance administrative avec l'AMF. En définitive, aucune suite ne serait donnée à la dénonciation de l'intéressé contre la République française ni à une éventuelle plainte contre la FINMA.
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Le 21 décembre 2020, A. a formé recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre l'acte précité, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Conseil fédéral pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Par arrêt du 14 février 2022, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours irrecevable, s'agissant d'un acte relevant des relations extérieures, sans que le droit international ne confère un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et de dépens, d'annuler l'arrêt du 14 février 2022 du Tribunal administratif fédéral et de renvoyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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(résumé)
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5.2 Le Tribunal fédéral, dans sa jurisprudence relative à l'art. 100 al. 1 let. a de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du ![]() ![]() | |
6.2 L'art. 13 CEDH garantit à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la CEDH ont été violés un droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale. Dans le contexte de l'art. 32 al. 1 let. a LTAF, cela signifie que toute personne ![]() ![]() | |
La jurisprudence a déjà eu l'occasion, sous l'aspect de la garantie de l'accès au juge déduite de l'art. 6 CEDH, de souligner que, dans la mesure où cette disposition prévoyait le droit à un contrôle judiciaire, le clause d'irrecevabilité de l'art. 32 al. 1 let. a LTAF (ainsi que celle de l'art. 83 let. a LTF) ne trouvaient pas application, de sorte que la cause pouvait être déférée au Tribunal administratif fédéral et le prononcé de ce dernier au Tribunal fédéral (cf. ATF 139 II 384 consid. 2.3; arrêts 2C_572/2019 du 11 mars 2020 consid. 1.2, ![]() ![]() | |
Il importe peu, comme l'indique la doctrine, que la cause ne tombe pas dans la liste des matières pour lesquelles le Tribunal administratif fédéral peut revoir les décisions du Conseil fédéral et qui sont énumérées à l'art. 33 let. a et b LTAF (cf. AUBRY GIRARDIN, op. cit., n° 32 ad art. 83 LTF; contra: THOMAS HÄBERLI, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 45 ad art. 83 LTF s'agissant toutefois des décisions du Conseil fédéral se fondant directement sur l'art. 184 al. 3 ou l'art. 185 al. 3 Cst.). On ne voit en effet pas ce qui justifie, sous l'angle de l'art. 13 CEDH et dans la mesure où cette disposition confère, à l'instar de l'art. 6 CEDH, un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal selon l'art. 32 al. 1 let. a LTAF, de ne pas aussi garantir tout d'abord le recours au Tribunal administratif fédéral. Cela d'autant moins qu'en adoptant les art. 32 al. 1 let. a LTAF et 83 let. a LTF, le législateur a souhaité faire en sorte que le Tribunal fédéral ne tranche pas de tels conflits en tant que première instance judiciaire, en dérogation à l'art. 86 LTF, qui énonce les autorités dont les actes peuvent être attaqués par la voie du recours en matière de droit public, alors que les décisions à caractère politique qui relèvent du champ d'application des art. 32 al. 1 let. a LTAF et 83 let. a LTF ne sont généralement pas rendues par les autorités visées à l'art. 86 LTF (cf. arrêt 2C_349/2012 précité consid. 1.1.3; HÄBERLI, op. cit., n° 30 ad art. 83 LTF). C'est partant à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a examiné au fond si la contre-exception prévue à l'art. 32 al. 1 let. a LTAF ouvrant une voie de droit venait à s'appliquer, même si la présente cause n'entrait pas dans la liste prévue à l'art. 33 LTAF.
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6.4 Le recourant se prévaut, en lien avec l'art. 13 CEDH, d'une violation du droit au respect de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH s'agissant de la retransmission, par l'AMF, de ses données bancaires en violation du principe de spécialité. L'intéressé soutient en particulier ![]() ![]() | |
6.5.1 Selon la jurisprudence de la CourEDH, si l'art. 8 CEDH a essentiellement pour objet de protéger l'individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics dans sa vie privée notamment, il ne se contente pas de commander à l'Etat de s'abstenir de pareilles ingérences: à cet engagement négatif peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée (cf. arrêts de la CourEDH Fedotova et autres contre Russie [GC] du 17 janvier 2023 § 152; Bédat contre Suisse [GC] du 29 mars 2016 § 73). Les obligations positives découlant de l'art. 8 CEDH ne font toutefois peser sur l'Etat que le devoir de prendre des mesures raisonnables et appropriées pour garantir le droit à la vie privée des justiciables (cf. arrêts de la CourEDH Hudorovic et autres contre Slovénie du 10 mars 2020 § 143; Sargsyan contre Azerbaïdjan [GC] du 16 juin 2015, Recueil CourEDH 2015-IV § 129). L'Etat doit ainsi préserver un juste équilibre entre l'intérêt général et les intérêts du justiciable concerné (cf. arrêts de la CourEDH Mortier contre Belgique du 4 octobre 2022 § 202; C.E. et autres contre France du 24 mars 2022 § 83). Ainsi, en ce qui concerne la protection des données à caractère personnel, si l'Etat a l'obligation d'adopter une législation interne qui ménage des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de ces données qui ne serait pas conforme aux garanties prévues par l'art. 8 CEDH (cf. arrêts de la CourEDH Drelon contre France du 8 septembre 2022 § 82 et l'arrêt cité; G.S.B. contre Suisse précité, § 90), toujours est-il que la protection de la confidentialité ![]() ![]() | |
6.5.2 Il est constant que les données relevant des comptes bancaires constituent des données personnelles protégées par l'art. 8 CEDH, et que leur transmission, notamment à une autorité étrangère, représente une atteinte à la vie privée de leur titulaire garantie par cette disposition (cf. ATF 148 II 349 consid. 5.3.1; ATF 147 II 13 consid. 3.4.2; ATF 139 II 404 consid. 7.1; ATF 137 II 431 consid. 2.1.2; arrêt 2C_1042/2016 du 12 juin 2018 consid. 5.2; arrêt de la CourEDH G.S.B. contre Suisse précité, § 51 et l'arrêt cité), qui comprend également le droit à l'autodétermination informationnelle (ATF 147 I 280 consid. 8.1). Conformément à ses obligations positives (cf. supra consid. 6.5.1), la Suisse doit dès lors, avant d'accorder l'assistance administrative, prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que l'utilisation des données personnelles faisant l'objet de la requête se fera conformément aux garanties de l'art. 8 CEDH par l'autorité requérante. Cette obligation est concrétisée, en droit interne, par les conditions prévues à l'art. 38 al. 2 LBVM (dans sa teneur déterminante au moment de la décision d'assistance administrative du 14 octobre 2011; RO 1997 68; cf. arrêt 2A.703/2005 du 9 août 2006 consid. 2). Une transmission d'informations non accessibles au public ne peut ainsi intervenir que si l'autorité étrangère utilise celles-ci exclusivement pour la mise en oeuvre de la réglementation sur les bourses (let. a; principe de spécialité) et que si ladite autorité est tenue au secret de fonction et au secret professionnel (let. b; principe de confidentialité). Dans ce contexte, la FINMA doit s'assurer qu'il n'existe pas des motifs sérieux et avérés de croire que l'autorité requérante ne respectera pas dans le cas concret le principe de spécialité et, le cas échéant, demander des garanties suffisantes à l'Etat requérant voire refuser l'assistance ![]() ![]() | |
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