20. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg (recours en matière de droit public) | |
2C_810/2021 du 31 mars 2023 | |
Regeste | |
Art. 8 EMRK; Art. 10 Abs. 2 und Art. 36 BV; Art. 40 EpG; abstrakte Normenkontrolle von Art. 2 der Verordnung vom 14. September 2021 über die Covid-19-Zertifikatspflicht für den Studienbetrieb an Hochschulen des Kantons Freiburg.
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Sachverhalt | |
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Art. 1 Champ d'application
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1 La présente ordonnance s'applique aux hautes écoles du canton de Fribourg (ci-après: les hautes écoles).
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Art. 2 Activités d'enseignement et de recherche
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1 Les hautes écoles restreignent l'accès en présentiel aux activités d'enseignement et de recherche du bachelor, du master et du doctorat aux personnes disposant d'un certificat COVID-19, sous réserve de l'alinéa 3.
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2 Les règles suivantes sont respectées:
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a) une alternative d'enseignement, notamment à distance, est prévue par les hautes écoles;
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b) les examens et évaluations se déroulent selon les dispositions des hautes écoles;
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c) des contrôles sont effectués et des sanctions peuvent être prises en cas de non-respect des mesures liées à l'exigence du certificat COVID-19.
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3 Les hautes écoles peuvent prévoir des exceptions à la restriction prévue à l'alinéa 1, notamment en fonction des locaux, des effectifs ou de la nature des activités didactiques.
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4 Chaque haute école fixe les modalités organisationnelles.
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Art. 3 Plans de protection
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1 Les hautes écoles élaborent, adaptent et veillent à l'application de leurs plans de protection.
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(...)
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Art. 7 Disposition transitoire
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1 Les hautes écoles disposent d'un délai fixé au 31 octobre 2021 pour se conformer à l'article 2.
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Les hautes écoles du canton de Fribourg comprennent l'Université de Fribourg, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale Fribourg (HES-SO//FR, regroupant quatre écoles) et la Haute école pédagogique Fribourg (HEP-PH FR).
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La date d'entrée en vigueur de l'ordonnance fribourgeoise restriction d'accès a été fixée au 13 septembre 2021 (ch. IV de l'ordonnance).
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B. Agissant le 14 octobre 2021 par la voie du recours en matière de droit public, A. et 21 autres personnes demandent au Tribunal fédéral d'annuler intégralement l'ordonnance fribourgeoise restriction d'accès.
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Le Tribunal fédéral a constaté que l'art. 2 de l'ordonnance querellée était contraire à la Constitution.
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(résumé)
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L'ordonnance fribourgeoise querellée prévoyait à son art. 2 que "les hautes écoles restreignent l'accès en présentiel aux activités d'enseignement et de recherche du bachelor, du master et du doctorat aux personnes disposant d'un certificat COVID-19, sous réserve de l'alinéa 3".
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Au moment du dépôt du recours, un certificat COVID-19 attestait, selon l'art. 1 let. a ch. 1, 2 et 3 ordonnance COVID-19 certificats [RO 2021 325]), une vaccination contre le COVID-19 (certificat de vaccination COVID-19), une guérison après une infection au SARS-CoV-2 (certificat de guérison COVID-19) ou un résultat négatif de l'analyse pour le SARS-CoV-2 (certificat de test COVID-19). Le certificat de vaccination imposait de se soumettre à une vaccination autorisée en Suisse (art. 13 ordonnance COVID-19 certificats). Le certificat de guérison nécessitait la preuve d'un résultat positif d'une analyse de biologie moléculaire pour le SARS-CoV-2 (art. 16 ordonnance COVID-19 certificats). Un certificat de test COVID-19 était soumis à la condition d'un test négatif (art. 19 al. 1 ordonnance COVID-19 certificats). Ce test pouvait consister en une analyse de biologie moléculaire pour le SARS-Cov-2 (art. 19 al. 1 let. a ordonnance COVID-19 certificats), à savoir un test PCR nasopharyngé ou salivaire (cf. Office fédéral de la santé publique [OFSP], commentaire concernant l'ordonnance COVID-19 certificats, version du 4 juin 2021, ad art. 19, disponible sur: www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/66986.pdf [consulté pour la dernière fois le 23 mars 2023]). Le test pouvait aussi consister en un test rapide SARS-CoV-2 avec application par un professionnel (ci-après: test rapide) (art. 19 al. 1 let. b ordonnance COVID-19 certificats [RO 2021 325 et 2021 507]). Jusqu'au 15 novembre 2021, le test rapide pouvait être basé ![]() ![]() | |
En ce qui concerne les coûts, à partir du 11 octobre 2021, les tests nécessaires à l'obtention du certificat COVID-19 n'ont plus été pris en charge par la Confédération (cf. art. 19 al. 1ter ordonnance COVID-19 certificats [RO 2021 507 et 594]; art. 26a al. 1 let. c et annexe 6 ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 19 juin 2020 [ordonnance 3 COVID-19; RS 818.101.24],annexe 6, RO 2021 594), sauf exception (ordonnance 3 COVID-19, annexe 6, 1.4.1 let. n, RO 2021 594). La vaccination était, en revanche, prise en charge par l'assurance obligatoire des soins, l'assurance militaire, la Confédération et les cantons (pour un aperçu du système, cf. OFSP, Fiche d'information, financement de la vaccination contre le COVID-19, disponible sur: www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/ausbrueche-epidemien-pandemien/aktuelle-ausbrueche-epidemien/novel-cov/information-fuer-die-aerzteschaft.html [consulté pour la dernière fois le 23 mars 2023]).
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Le consentement demeurait certes requis dans tous les cas, mais, à moins de disposer d'un certificat de guérison, l'étudiant immatriculé dans une haute école qui refusait de se faire tester de manière régulière ou vacciner ne pouvait plus suivre les cours et activités de recherche en présentiel.
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5.3.1 Le Tribunal fédéral retient, dans le contexte de l'école obligatoire, qu'eu égard au droit constitutionnel à un enseignement de base (art. 19 Cst.) et à l'importance des interactions sociales pour le ![]() ![]() | |
6. Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif ![]() ![]() | |
La jurisprudence a déjà eu l'occasion de confirmer à plusieurs reprises que cette disposition, et en particulier son alinéa 2, constitue une base légale formelle suffisante au sens de l'art. 36 al. 1 Cst. permettant aux autorités cantonales de prendre les mesures qui y sont mentionnées en vue de lutter contre la propagation du COVID-19 (ATF 149 I 105 consid. 4.4.3.1; ATF 148 I 33 consid. 5.4; ATF 147 I 393 consid. 5.1.2, ATF 147 I 478 consid. 3.7, 450 consid. 3.2.2; arrêts 2C_429/2021 du 16 décembre 2021 consid. 5.1.2; 2C_183/2021 du 23 novembre 2021 consid. 3.4 et 3.7, non publiés in ATF 148 I 89).
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La liste de l'art. 40 al. 2 LEp n'est pas exhaustive (ATF 147 I 393 consid. 5.1.3, ATF 147 I 478 consid. 3.7.2). La formulation large des mesures envisageables vise essentiellement à laisser une importante marge de manoeuvre aux cantons, afin que ceux-ci puissent répondre le plus exactement possible à la propagation de maladies transmissibles eu égard aux particularités locales (ATF 147 I 393 consid. 5.1.3 et les arrêts cités). Une telle marge de manoeuvre est conforme à la Constitution et inévitable du fait de la nature des dangers et du manque de prévisibilité des mesures adéquates (ATF 148 I 33 consid. 5.4; ATF 147 I 478 consid. 3.7.2). Par ailleurs, les mesures visées à l'art. 40 al. 2 LEp, qui sont assez incisives, doivent a fortiori également comporter la possibilité pour les cantons d'adopter des mesures moins restrictives, dans le respect du principe de proportionnalité et en faisant usage de la marge de manoeuvre que leur laisse le libellé de l'art. 40 LEp (ATF 149 I 105 consid. 4.4.3.1; ATF 147 I 478 consid. 3.7 et 3.8.1).
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En revanche, si l'on considère que l'exigence du certificat COVID pour accéder à la formation dans les hautes écoles fribourgeoises revenait à imposer aux étudiants une obligation vaccinale, comme le soutiennent les recourants, l'art. 40 LEp n'était pas la base légale idoine, compte tenu de la réglementation spécifique de l'art. 22 LEp relative à la vaccination obligatoire. A cet égard, on peut notamment se demander si les étudiants faisaient partie, au moment où l'ordonnance querellée a été adoptée, des groupes de personnes auxquels une obligation vaccinale aurait pu être imposée par les cantons selon l'art. 22 LEp. L'exigence du certificat de test COVID-19, telle qu'elle était prévue dans l'ordonnance querellée, se révélant disproportionnée (cf. infra consid. 7.8), il n'est toutefois pas nécessaire, en l'occurrence, de se prononcer plus avant sur la question de l'admissibilité d'une obligation vaccinale.
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6.4 Sous l'angle de l'intérêt public poursuivi par la mesure (art. 36 al. 2 Cst.), la restriction d'accès aux titulaires du certificat COVID-19 ![]() ![]() | |
Dans la mesure où les recourants arguent qu'ils n'avaient pas à supporter les déficits du système hospitalier et qu'il incombait à la Confédération de fournir des soins médicaux de base suffisants et de qualité, il est relevé que ces arguments n'enlèvent rien à la légitimité du but d'intérêt public d'éviter la propagation de la maladie du COVID-19 et, de la sorte, des hospitalisations en masse, voire des décès.
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7.5 En ce qui concerne la nécessité de la mesure, il convient de relever qu'au moment où le Conseil d'Etat a adopté l'ordonnance querellée, la situation dans les hôpitaux était tendue et l'occupation des lits de soins intensifs très élevée. Avec l'arrivée de l'automne et un temps plus froid, on ne pouvait exclure une forte augmentation des hospitalisations et donc une surcharge des établissements hospitaliers (Conseil fédéral, communiqué de presse du 8 septembre 2021, Coronavirus: le Conseil fédéral étend l'obligation de présenter un certificat et lance une consultation sur de nouvelles règles pour entrer en Suisse, www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-85035.html [consulté pour la dernière fois le 23 mars 2023]); cf. aussi Hôpital fribourgeois, communiqué de presse du 10 septembre 2021, Covid-19: l'hôpital fribourgeois sous forte ![]() ![]() | |
Certes, l'autre option à disposition du canton de Fribourg aurait été de réduire le nombre d'étudiants admis en cours, tout en imposant le port du masque (cf. art. 19a al. 2 ordonnance COVID-19 situation particulière). La réduction aux deux tiers de la capacité des locaux aurait toutefois aussi entraîné son lot d'inconvénients et de contraintes, puisqu'elle aurait également privé une partie des étudiants de cours en présentiel. Elle posait aussi des questions d'égalité de traitement entre les personnes vaccinées, guéries ou testées négativement, qui présentaient une immunité ou pouvaient attester de l'absence du virus, et les personnes non vaccinées, non guéries ou non testées. Il ne s'agissait donc pas nécessairement d'une mesure moins incisive, du point de vue des droits fondamentaux, que l'exigence de présenter un certificat de test COVID-19.
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Quant aux statistiques avancées par les recourants, celles-ci montrent, s'agissant du taux d'occupation dans les unités de soins intensifs, que celui-ci a fortement augmenté avant de diminuer dans une mesure minime dans les jours qui ont précédé l'adoption de l'ordonnance ![]() ![]() | |
Enfin, le lien avec les vagues de grippe saisonnière et les courbes de décès et d'hospitalisations de l'année 2021 n'est pas pertinent. Le Tribunal fédéral a en effet déjà relevé qu'une comparaison entre le nombre de décès après l'apparition du COVID-19 et les années précédentes était trompeuse. Même si le nombre de décès pouvait être semblable (notamment en cas de fortes vagues de grippe), la surmortalité dans les années précédentes est intervenue en l'absence de mesures particulières, alors que les décès survenus avec l'apparition du COVID-19 se sont produits malgré les mesures prises (ATF 147 I 450 consid. 3.3.4). Il peut être admis avec une plausibilité suffisante que des décès ont été évités grâce aux mesures prises par les autorités, les contacts ayant été restreints entre les personnes particulièrement à risques de s'infecter et de propager le virus (cf. ATF 147 I 450 consid. 3.3.4; arrêt 2C_183/2021 du 23 novembre 2021 consid. 5.5, non publié in ATF 148 I 89).
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Au vu de la situation épidémiologique au moment où l'ordonnance querellée a été adoptée, l'exigence de présenter un certificat de test COVID-19 était nécessaire, étant relevé qu'il s'agissait d'une mesure destinée à être adaptée et réévaluée.
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Il y a tout d'abord la fréquence du test et les modalités d'organisation. Le test devait être réalisé à intervalles très réguliers, puisque la durée de validité d'un certificat COVID-19 émis ensuite d'un test était de 48h pour un test rapide et de 72h pour un test PCR (art. 21 al. 3 ordonnance COVID-19 certificats). Il fallait aussi se renseigner sur les centres disponibles, prendre rendez-vous et s'assurer d'obtenir le résultat et le certificat dans les temps pour assister aux cours. Sur ce point, il s'agissait d'une contrainte non négligeable. Pour une semaine de cours de cinq jours, un étudiant devait compter au moins sur deux tests PCR.
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Il y a ensuite le type de test. Sur le plan physique, le test salivaire n'entraîne pas d'inconvénient notable - et les recourants n'en ![]() ![]() | |
Enfin, il y a lieu de prendre en compte le paramètre des coûts. Si au moment où l'ordonnance a été adoptée, les tests donnant accès au certificat COVID-19 étaient encore pris en charge par la Confédération, tel n'a plus été le cas dès le 11 octobre 2021, sous réserve d'exceptions (cf. supra consid. 4). Contrairement à ce que défend le Conseil d'Etat, on ne peut pas prendre en compte, pour évaluer le degré de l'atteinte aux intérêts personnels des recourants, le fait que la Confédération a réintroduit la gratuité pour certains tests donnant droit à un certificat, à savoir les tests rapides antigéniques et les tests PCR groupés, à compter du 18 décembre 2021 (ordonnance 3 COVID-19, modification du 17 décembre 2021, RO 2021 881). Le moment déterminant est en effet celui du dépôt du recours (cf. supra consid. 2.4 non publié et 4).
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S'agissant du montant à payer, le Conseil d'Etat relève que les étudiants bénéficiaient d'une offre préférentielle grâce à une collaboration entre l'Université de Fribourg et le Swiss integrative Centre for Human Health, qui offrait 10 tests pour 300 fr. Pour un semestre, en comptant deux tests par semaine, le coût s'élevait ainsi à 840 fr. Cette somme n'est pas négligeable dans le budget d'étudiants. Le Conseil d'Etat allègue toutefois que les étudiants nécessiteux pouvaient bénéficier du soutien financier du Service social de l'Université. Pour les étudiants de l'Université, avec les aides financières à disposition, la charge financière pouvait donc être supportable. En revanche, le Conseil d'Etat ne dit rien du coût des tests pour les étudiants des autres hautes écoles du canton et n'indique pas qu'une aide financière leur était proposée. En tout état, l'ordonnance querellée ne prévoyait aucune prise en charge financière.
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Il s'agit de se demander si les contraintes créées par la fréquence et les coûts des tests étaient acceptables au regard des buts d'intérêts publics poursuivis.
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7.7.2 Du point de vue de l'intérêt public, il est souligné qu'il s'agissait de limiter la propagation de la maladie à coronavirus 2019 et ainsi le nombre d'hospitalisations et le nombre de morts, de même que ![]() ![]() | |
Les intérêts susmentionnés justifiaient la contrainte de tests même très réguliers, surtout si ceux-ci pouvaient consister en des tests salivaires, moins invasifs que des tests nasopharyngés. En revanche, sous l'angle de la proportionnalité au sens strict, il n'est pas admissible que la poursuite de la formation en présentiel ait été soumise à une charge financière aussi importante (au minimum 840 fr. par semestre), sans que l'ordonnance querellée n'ait prévu un système d'aide même minimum. Au moment où la réglementation litigieuse a été adoptée, il existait déjà une certaine immunité au sein de la population et le virus était considéré comme moins dangereux. Dans ces conditions, il n'est pas admissible qu'un étudiant ne pouvant pas s'offrir de tests réguliers ait été contraint de suivre une formation en ligne. Certes, le Conseil d'Etat a expliqué pour l'Université de Fribourg qu'une aide pouvait être apportée aux étudiants dans le besoin. Toutefois, pour les autres hautes écoles, le Conseil d'Etat n'a pas allégué qu'une prise en charge aurait été mise en place. Il est vrai aussi que l'art. 3 al. 2 de l'ordonnance querellée prévoyait que les hautes écoles pouvaient prévoir des exceptions à l'exigence du certificat COVID-19, mais cette disposition n'énonçait qu'une possibilité, dépendante des locaux, des effectifs et de la nature des activités et donc sans lien avec les aspects financiers du test COVID-19. Dans ces circonstances, le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité doit être admis. Le point de savoir qui de la Confédération ou des cantons aurait dû assumer la prise en charge financière, compte tenu de l'art. 3 al. 6 de la loi COVID-19 (RO 2021 153) relatif à la prise en charge des tests par la Confédération tel qu'en vigueur à l'époque, ne relève pas du présent litige.
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7.8 En conclusion, l'exigence du certificat COVID-19 obtenu ensuite d'un test négatif pour l'accès aux cours et activités de recherche en présentiel, sans disposition relative à la prise en charge financière des tests, même pour les étudiants au budget mensuel limité, était disproportionnée. Pour poursuivre sa formation en présentiel, la seule issue pour l'étudiant en situation financière précaire était de recourir à la vaccination, qui a toujours été gratuite, mais qui constituait une atteinte plus incisive. En ce sens, l'exigence du certificat COVID-19 ![]() ![]() ![]() |