14. Extrait de l'arrêt de la IVe Cour de droit public dans la cause A. contre Commandement des opérations (recours en matière de droit public) | |
8C_351/2022 du 22 février 2023 | |
Regeste | |
Art. 10 Abs. 2 und Art. 36 BV; Art. 47 MG; Art. 20 Abs. 1, Art. 10 Abs. 3 und Art. 37 Abs. 1 BPG; Art. 7 Abs. 1 PVSPA; Auflösung des Arbeitsverhältnisses eines Angehörigen der Spezialkräfte der Armee wegen der Weigerung, sich der für obligatorisch erklärten Covid-19-Impfung zu unterziehen.
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Die vorliegende Grundrechtsbeschränkung stützt sich indessen auf eine genügende gesetzliche Grundlage (E. 5.1). Sie dient einem hinreichenden öffentlichen Interesse (E. 5.2) und der Grundsatz der Verhältnismässigkeit wird gewahrt (E. 5.3).
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Sachverhalt | |
A.a Le lieutenant A. (ci-après: l'employé) a été engagé le 1er octobre 2013 en qualité d'opérateur auprès du Détachement de reconnaissance de l'armée 10 (ci-après: DRA10) du Commandement des forces spéciales, lequel dépend du Commandement des opérations (ci-après: l'employeur). Les rapports de travail ont été régis en dernier lieu par un contrat (de droit public) de durée indéterminée du 10 septembre 2015.
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A.b Lors des réunions du 12 avril 2021 et du 10 mai 2021, l'employeur a informé l'employé que le processus de vaccination contre le SARS-CoV-2 (ci-après: le Covid-19) deviendrait obligatoire dès son intégration dans le concept de vaccination défini par le médecin en chef de l'armée. Le 1er juin 2021, ce dernier a fait savoir que la vaccination contre le Covid-19 faisait désormais partie, avec effet immédiat, de la liste des vaccins obligatoires pour le personnel militaire des forces spéciales, ce dont le chef de section a informé l'employé le 3 juin 2021. Par courriel du 7 juin 2021, l'employé a déclaré qu'il ne souhaitait pas se faire vacciner contre le Covid-19. Le 18 juin 2021, le Commandant du DRA10 lui a exposé les bases légales d'une vaccination contre le Covid-19 et lui a transmis l'évaluation du médecin en chef de l'armée sur les risques liés à une telle vaccination, précisant que celle-ci n'était qu'un élément supplémentaire au concept de vaccination global s'appliquant au personnel militaire des forces spéciales.
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A.c Lors d'un entretien du 28 juin 2021, le Commandant du DRA10 a expliqué à l'employé qu'en raison des engagements possibles en Suisse et à l'étranger, une protection vaccinale complète contre le Covid-19 était nécessaire pour assurer la disponibilité opérationnelle ![]() ![]() | |
L'employé l'a informé qu'il ne voulait pas se faire vacciner et qu'il serait prêt à revoir son avis dans un délai d'une année en fonction de l'évolution de la situation. Il a sollicité qu'une solution alternative à la vaccination fût mise en place temporairement jusqu'à la fin de la crise contre le Covid-19 et la révision de l'obligation vaccinale. Comme justification à sa position, il a indiqué ne pas comprendre le fait que le vaccin contre le Covid-19 fût intégré aussi rapidement au plan de vaccination.
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A.d Par déclaration écrite du 29 juillet 2021, l'employé a manifesté son refus définitif de se faire vacciner contre le Covid-19. Le jour même, l'employeur lui a remis en main propre un avertissement dans lequel il exposait que l'absence de protection vaccinale complète de l'employé compromettait sa disponibilité opérationnelle immédiate pour des engagements à court terme et pour des activités à l'étranger et qu'elle constituait une violation de ses obligations légales et contractuelles. L'employé était dès lors sommé de prendre rendez-vous d'ici au 6 août 2021 pour se faire vacciner, la première injection devant intervenir avant le 31 août 2021, à défaut de quoi il s'exposait à des mesures pouvant aller jusqu'au licenciement.
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A.e Le 2 septembre 2021, l'employeur a remis en main propre à l'employé un projet de décision de résiliation ordinaire des rapports de travail, au motif que celui-ci avait violé ses obligations légales et contractuelles en n'assurant pas sa disponibilité opérationnelle immédiate dans le délai fixé par avertissement du 29 juillet 2021, de sorte qu'il n'était plus possible de l'occuper à la fonction prévue dans son contrat. Dans la mesure où l'employé n'avait pas la formation et le statut de militaire de carrière et où il n'existait aucun poste de militaire de carrière spécialiste, il n'était pas possible de maintenir son emploi dans une autre fonction, de sorte que la résiliation des rapports de travail était la seule option. Un délai au 20 septembre 2021 était fixé à l'employé pour exercer son droit d'être entendu. Ce dernier ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
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A.f Par décision du 27 septembre 2021, le Commandement des opérations a résilié les rapports de travail de l'employé avec effet au ![]() ![]() | |
B. L'employé a recouru auprès du Tribunal administratif fédéral contre cette décision, en concluant principalement au versement d'une indemnité pour résiliation injustifiée correspondant à une année de salaire ainsi que d'une indemnité pour longs rapports de travail correspondant à une année de salaire. Le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours par arrêt du 26 avril 2022.
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C. L'employé forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité pour résiliation injustifiée correspondant à une année de salaire (soit 95'243 fr.) ainsi qu'une indemnité de même montant pour longs rapports de travail.
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Le Commandement des opérations conclut au rejet du recours. L'employé a répliqué.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Erwägung 3.1 | |
3.1.1 Les rapports de travail entre la Confédération et son personnel sont régis par la loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) et par l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172. 220.111.3), qui s'appliquent au personnel de l'administration fédérale (art. 1 et 2 al. 1 let. a LPers). Font partie de ce personnel notamment les militaires de métier et les militaires contractuels (art. 47 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10]). Selon l'art. 10 al. 3 LPers, l'employeur ![]() ![]() | |
3.2 Selon l'art. 20 al. 1 LPers, l'employé est tenu d'exécuter avec soin le travail qui lui est confié et de défendre les intérêts légitimes de la Confédération et de son employeur. L'employé a ainsi un devoir de gestion, qui vise l'accomplissement des tâches publiques, et un devoir de fidélité, dont l'obligation d'obéissance est le corollaire (MOOR/BELLANGER/TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd. 2018, p. 589). S'agissant du personnel militaire, cette obligation est au surplus inhérente à la structure et à la mission de l'armée, l'art. 32 al. 2 LAAM disposant que les militaires doivent obéissance à leurs supérieurs dans les affaires relevant du service (voir également les chiffres 21 et 80 du règlement du 22 juin 1994 de service de l'armée [RSA; RS 510.107.0]).La désobéissance à un ordre - pour autant que celui-ci reste dans les limites du contrat et de la loi - peut ![]() ![]() | |
3.3.2 Les rapports de travail du personnel militaire engagé dans le cadre d'un service d'appui à l'étranger sont d'abord régis par la LPers. Afin d'assurer une disponibilité opérationnelle immédiate, ils sont toutefois réglés spécialement par l'ordonnance du 6 juin 2014 concernant le personnel effectuant un engagement de la troupe visant la protection de personnes et d'objets à l'étranger (OPers-PPOE; RS 519.1), conformément à l'art. 1 let. a de cette ordonnance. L'art. 2 OPers-PPOE dispose que sauf disposition contraire de cette ordonnance, les rapports de travail sont régis par l'OPers et par l'O pers mil. Il y a lieu de préciser que cette dernière régit, pour le personnel militaire, les dispositions de l'OPers en matière de droit du personnel et règle ![]() ![]() | |
Erwägung 3.4 | |
3.4.2 Les restrictions graves des droits fondamentaux doivent être fondées sur une base claire et explicite dans une loi au sens formel (art. 36 al. 1, 2e phrase, Cst.; ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; ATF 143 I 194 consid. 3.2; ATF 141 I 211 consid. 3.2; ATF 139 I 280 consid. 5.1; ATF 137 I 209 consid. 4.3). En revanche, les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; ATF 130 I 65 consid. 3.3; ATF 123 I 112 consid. 7a; ATF 122 I 360 consid. 5b/bb et les arrêts cités). La gravité de l'atteinte se détermine selon des critères objectifs, l'appréciation de la personne touchée n'étant pas décisive (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; ATF 137 I 209 consid. 4.3; ATF 128 II 259 consid. 3.3; ATF 124 I 80 consid. 2c). ![]() ![]() | |
3.4.4 En tant que militaire professionnel, le recourant se trouve avec la Confédération dans un rapport de puissance publique spécial, parfois aussi appelé rapport de droit particulier (cf. MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd. 2012, p. 19 et 719 s.; MOOR/BELLANGER/TANQUEREL, op. cit., p. 589). Or il est admis que la libre adhésion de l'administré à un tel rapport de puissance publique spécial et l'intérêt qu'il y trouve justifient que les droits fondamentaux et les principes qui en découlent, particulièrement ceux de la légalité et de l'intérêt public, ne puissent y déployer leurs garanties que dans une mesure restreinte (MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, op. cit., p. 19; ISABELLE HÄNER, Grundrechte im öffentlichen Personalrecht, in Personalrecht des öffentlichen Dienstes, 1999, p. 408; cf. ATF 108 Ib 162 consid. 5a et les références). Les fonctionnaires doivent accepter des restrictions à leurs droits fondamentaux qui découlent de leur devoir de fidélité ou de leurs devoirs de fonction (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, n. 2041). Dans le cadre d'un tel rapport de puissance publique spécial, a fortiori lorsque la personne y a librement adhéré, une base légale matérielle, telle qu'une ordonnance, est suffisante - pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une restriction grave aux droits fondamentaux - si elle peut être rattachée à une base légale formelle même générale (DONZALLAZ, op. cit., p. 633 n. 1329; MARKUS MÜLLER, Das besondere Rechtsverhältnis, 2003, p. 40; HÄNER, op. cit., p. 408; TSCHANNEN/ZIMMERLI/MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, ![]() ![]() | |
Erwägung 3.5 | |
3.5.3 Une ingérence est considérée comme "nécessaire dans une société démocratique" pour atteindre un but légitime si elle répond à un besoin social impérieux et, en particulier, si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants et si elle est proportionnée au but légitime poursuivi. ![]() ![]() | |
(...)
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Erwägung 5.1 | |
5.1.2 Il ressort de la décision de résiliation des rapports de travail du 27 septembre 2021 que l'obligation qui a été faite au recourant de se faire vacciner contre le Covid-19 reposait sur la nécessité d'assurer sa disponibilité opérationnelle immédiate, en tant que membre du ![]() ![]() | |
Par ailleurs, si cette disposition ne contient pas une énumération expresse des mesures de prévention concernées, cela tient à la nécessité de réserver une marge de manoeuvre suffisante à l'institution militaire pour définir elle-même les mesures propres à atteindre l'objectif visé et permettre une adaptation de celles-ci à des situations susceptibles d'évoluer au cours du temps. Il n'est en effet pas possible, ni souhaitable, de délimiter une fois pour toutes les mesures de prévention auxquelles doit se soumettre le personnel militaire pouvant être appelé à accomplir un engagement à l'étranger. Comme moyen préventif contre les maladies qui pourraient faire peser un risque sur cet engagement, la vaccination entre clairement dans la définition d'une mesure de prévention au sens de l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE. En l'occurrence, il ressort des faits constatés par la juridiction précédente qu'en sa qualité de responsable, pour l'Etat-major, du domaine sanitaire et médical au sein de l'armée, le médecin en chef de l'armée a élaboré un document intitulé "Concept et stratégie de vaccination V" du 31 octobre 2013, qui prévoit une série de quinze vaccins destinés au personnel militaire amené à effectuer des missions ![]() ![]() | |
Il découle de tout ce qui précède que l'art. 7 al. 1 OPers-PPOE constitue une base légale suffisante à la mesure en cause, laquelle peut être imposée au personnel des forces spéciales indépendamment des prévisions de l'art. 35 LAAM, qui vise quant à lui à lutter contre des affections transmissibles ou graves en prévenant un risque élevé d'infection. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les griefs du recourant relatifs à l'art. 35 LAAM.
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Erwägung 5.2 | |
5.2.2 Ce grief est dénué de fondement. Comme exposé ci-dessus (cf. consid. 5.1.2 supra), l'obligation qui a été faite au recourant de se faire vacciner contre le Covid-19 reposait sur la nécessité d'assurer sa disponibilité opérationnelle immédiate, en tant que membre du DRA10, pour des engagements au pied levé à l'étranger dans le contexte des restrictions d'entrée liées au Covid-19 émises par de nombreux pays. Elle ne vise ainsi pas primordialement des buts de santé publique, mais à garantir le caractère opérationnel du DRA10. ![]() ![]() | |
Erwägung 5.3 | |
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5.3.3 Contrairement à ce que prétend le recourant, on ne voit pas que le but d'intérêt public visé aurait pu être atteint par une mesure moins incisive. La fourniture du résultat de tests réguliers et la production d'un certificat Covid sans vaccination ne permet pas d'atteindre l'objectif d'assurer la disponibilité opérationnelle immédiate du personnel militaire du DRA10 pour des engagements à l'étranger, quel que soit le pays de destination et l'évolution des mesures sanitaires en Suisse et à l'étranger. Quant à des solutions alternatives temporaires pour permettre au recourant de continuer à travailler au ![]() ![]() | |
Erwägung 6 | |
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7. Il résulte de ce qui précède que la résiliation ordinaire du contrat de travail du recourant repose sur des motifs objectivement suffisants, à savoir la violation d'obligations légales ou contractuelles importantes (art. 10 al. 3 let. a LPers). Par conséquent, c'est à bon droit que les juges précédents ont rejeté les prétentions du recourant tendant au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 34b LPers (cf. consid. 3.1.2 supra), de même que ses prétentions tendant au versement d'une indemnité fondée sur l'art. 19 al. 3 LPers, la résiliation devant être considérée comme due à une faute de l'employé conformément à l'art. 31 al. 1 OPers (cf. consid. 3.1.3 supra). Il n'y a donc pas lieu d'examiner les développements du recours à cet égard, qui reposent sur la prémisse que la résiliation du contrat de travail pour violation d'obligations légales ou contractuelles importantes serait contraire au droit, ce qui n'est pas le cas. ![]() |