1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. contre Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève (recours en matière de droit public) | |
2C_451/2020 du 9 juin 2021 | |
Regeste | |
Art. 426 ZGB; Art. 5 Ziff. 1 lit. e EMRK; disziplinarische Massnahme gegen einen Arzt aufgrund der Anordnung einer ungerechtfertigten fürsorgerischen Unterbringung einer Patientin in einer Einrichtung.
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Sachverhalt | |
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"Patiente de 58 ans, [...] hypoglycémie a 1,5 mm à 22h00, resucrage thé et sirop, glycémie à 20,4 mm à 22h15 à mon arrivée, propos agressifs: refuse l'hospitalisation pour surveillance glycémique et rééquilibration durable."
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La fiche d'intervention rédigée par les ambulanciers indiquait que A. avait requis l'hospitalisation de la patiente à des fins de surveillance et qu'il avait rempli un formulaire les autorisant à procéder à un PAFA si nécessaire. Il en ressortait également que la patiente avait fini par accepter son transfert à l'hôpital, sans toutefois le comprendre, et que sa capacité de discernement était "OK".
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Le 17 mars 2016, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) dénoncèrent A. auprès du médecin cantonal au motif que la décision d'hospitaliser la patiente avait été effectuée contre la volonté de celle-ci et que les conditions pour ordonner un PAFA n'avaient pas été remplies. Le médecin cantonal transmit la dénonciation à la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients de Genève (ci-après: la Commission de surveillance).
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Le 2 octobre 2017, A. fit parvenir ses observations écrites à la Commission de surveillance. II indiqua qu'il avait vu la patiente le 28 février 2016 pour la première fois, qu'il l'avait informée de la nécessité d'une surveillance de son diabète, que celle-ci avait refusé d'être hospitalisée et que faute d'alternatives - la patiente vivant seule et son fils ayant refusé de se rendre à son domicile - il avait fait appel aux ambulanciers. Il mentionna que la patiente était par la suite devenue très agressive, l'avait insulté et enfermé dans son appartement et n'avait consenti à rouvrir la porte qu'après qu'il lui eût signalé que les ambulanciers la feraient ouvrir par un serrurier. Il précisa en outre qu'il avait remis aux ambulanciers un bon d'hospitalisation et un formulaire pour un PAFA, "à utiliser si besoin", et, dans la mesure où la patiente avait fini par accepter l'hospitalisation, il avait ![]() ![]() | |
Entendu par la Commission de surveillance le 1er octobre 2018, A. confirma ses observations écrites, en soulignant que la maladie dont souffrait la patiente avait altéré provisoirement sa capacité de discernement et qu'elle avait engagé son pronostic vital.
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B. Le 8 avril 2019, la Commission de surveillance a prononcé un avertissement à l'encontre de A., retenant que celui-ci n'avait pas compris dans quel cadre et selon quelles modalités un PAFA pouvait être ordonné et qu'il n'avait pas eu le droit de laisser aux ambulanciers le choix d'exécuter la décision de placement. Elle en conclut à une violation des obligations professionnelles d'un médecin.
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Le 16 mai 2019 A. a recouru contre la décision de la Commission de surveillance du 8 avril 2019 auprès de la Cour de Justice du canton de Genève (ci-après: Cour de Justice) au motif que l'état de grave abandon de D. avait justifié l'établissement d'un PAFA.
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Par arrêt du 7 avril 2020, la Cour de Justice rejeta le recours formé par A. contre la décision de la Commission de surveillance du 8 avril 2019. Retenant que les conditions d'application de l'art. 426 CC n'étaient pas remplies, elle constata que A. avait violé ses obligations professionnelles et jugea que l'avertissement prononcé à son encontre était justifié.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, d'annuler le jugement du 7 avril 2020 de la Cour de Justice, subsidiairement, de renvoyer la cause à l'instance inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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La Commission de surveillance et la Cour de Justice se réfèrent à leur décision respective et renoncent à se déterminer sur le recours.
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5.2 Il n'est pas contesté que A. travaillait comme médecin au service de B. Il se trouvait dans un statut d'employé (subordination) et ne supportait pas, en cette qualité, le risque économique de l'entreprise. Le recourant n'a d'ailleurs jamais revendiqué le statut d'indépendant qui n'a d'ailleurs pas donné lieu à discussion devant les instances précédentes, de sorte qu'il faut convenir qu'il échappe à l'application directe de la LPMéd. C'est donc à l'aune du droit ![]() ![]() | |
Erwägung 6 | |
6.2.1 Le droit à l'autodétermination est, d'un point de vue constitutionnel, rattaché à la liberté personnelle garantie par l'art. 10 Cst., avec ses prolongements dans la Convention européenne des droits de l'homme, le Pacte ONU II (RS 0.103.2) ou encore la Convention du 4 avril 1997 pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 2008 (RS 0.810.2; ci-après: Convention d'Oviedo). Le droit civil, notamment aux art. 27 ss CC, garantit également le respect de cette ![]() ![]() | |
7.1 Lorsque le rapport de droit liant le patient au médecin est de droit public, les principes de l'art. 36 Cst. doivent être respectés. L'atteinte ![]() ![]() | |
7.3.2 Dans le cadre de son intervention, le médecin ne s'est pas contenté d'établir un diagnostic. Il a également rédigé un ordre de placement à des fins d'assistance (PAFA) qu'il a remis aux ambulanciers pour en faire, le cas échéant, usage. Selon l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Le droit de la protection de l'adulte relève en principe du droit public, mais les dispositions du ![]() ![]() | |
7.3.3 D'un point de vue disciplinaire, le médecin qui contrevient à ses obligations professionnelles peut se voir reprocher une violation des droits du patient, que ceux-ci soient garantis par le droit privé ou le droit public. En l'espèce, l'activité relevant du droit privé du médecin concerné ne prête pas flanc à la critique, dès lors que son ![]() ![]() | |
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8.1.3 A l'appui de sa motivation, le recourant fait valoir les propos agressifs de la patiente, son refus d'entendre ses explications ou encore son incapacité à mener une argumentation résolue, toutes circonstances fondant selon lui un grave état d'abandon. Outre que de tels faits ne correspondent en aucune façon au concept restrictif de grave état d'abandon, tel que ci-dessus exposé, le fait que le ![]() ![]() | |
8.2.1 Le processus suivi par le médecin pour autoriser un PAFA est fort loin des précautions que le Tribunal fédéral impose aux APEA au regard de la gravité de la mesure adoptée. En effet, en cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance par l'APEA doit répondre à des conditions strictes. Elle doit notamment être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). L' ATF 140 III 101 consid. 6.2.2 détaille les exigences qui doivent alors être respectées pour qu'un placement puisse être effectué pour un tel motif: dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez elle la nécessité d'être assistée ou de prendre un traitement. Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en oeuvre (à propos de la notion de danger concret: arrêts 5A_288/2011 du 19 mai 2011 consid. 5.3; 5A_312/2007 du 10 juillet 2007 consid. 2.3; cf. également consid. 6.2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaires pourraient lui être fournis de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise précisera également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement. Enfin, l'expert doit indiquer s'il existe un établissement approprié et, le cas échéant, pourquoi l'établissement proposé entre effectivement en ligne de compte (ATF 137 III 289 consid. 4.5 p. 292 s.; à propos de la notion d'institution "appropriée": ![]() ![]() | |
A cela s'ajoute que l'éventuelle problématique d'une absence de discernement, qui n'est d'ailleurs pas déterminante pour autoriser un PAFA (cf. OLIVIER GUILLOD, in Erwachsenenschutz, 2013, n° 31 ad art. 426 CC), ne se pose pas en l'espèce. En effet, il ressort de l'état de fait que les ambulanciers, tout comme le personnel des HUG ayant pris en charge la patiente, ont confirmé la pleine capacité de discernement de cette dernière (art. 105 al. 2 LTF). La Commission de surveillance a également estimé qu'il était hautement improbable que la patiente ait été privée de cette faculté lors de la consultation par le recourant, dès lors qu'elle avait été capable d'appeler B., qu'elle ne semblait pas confuse lors de cet appel et qu'elle avait été capable de remédier à sa crise de glycémie elle-même. Au surplus, aucun constat relatif à une altération de la capacité de discernement de la patiente ne figurait sur la fiche d'intervention établie par les ambulanciers. Au contraire, celle-ci indique: capacité discernement OK.
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8.2.3 Le principe de subsidiarité implique que l'autorité de protection de l'adulte - respectivement le médecin (voir GASSMANN/BRIDLER, op. cit., ch. 9.9, p. 335) - ne peut prendre des mesures de protection que si l'aide dont a besoin la personne concernée ne peut pas ![]() ![]() | |
9.1 Eu égard aux conséquences des PAFA, le législateur fédéral a confié le droit de les prononcer aux APEA (art. 428 al. 1 CC), conférant au surplus le droit aux cantons de reconnaître également cette compétence aux médecins (art. 429 al. 1 CC). Comme nous l'avons vu (consid. 7.3.2), le canton de Genève a fait usage de cette compétence. Celle-ci ne s'épuise pas dans la simple rédaction d'un ordre de placement, mais bien plus dans son usage ultérieur. C'est en effet par ce dernier acte que, concrètement, l'atteinte à la liberté individuelle du patient se matérialisera. Initialement, le projet de loi exigeait des connaissances spécifiques, car la pratique antérieure avait montré que les médecins non spécialistes étaient souvent dépassés par ce genre de situations. Lors des débats devant le Conseil des Etats, cette précision, jugée inappropriée, a été supprimée afin de laisser aux cantons la marge de manoeuvre nécessaire pour fixer le ![]() ![]() | |
Les autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation d'une sanction disciplinaire. D'une manière générale, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'adéquation de la sanction prononcée. La décision de l'autorité doit toutefois toujours respecter les principes de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire (arrêts 2C_307/2019 du 8 janvier 2020 consid. 8.1; 2C_988/2017 du 19 septembre 2018 consid. 6.1, non publié in ATF 144 II 473, mais in Pra 2019 n. 66 p. 658, et les références). Pour le reste, à la différence de ce qui prévaut en responsabilité civile, la mise en oeuvre de la responsabilité disciplinaire n'implique pas la réalisation d'un résultat concret, respectivement d'un dommage, pour déployer des effets. La seule mise en danger d'un bien juridique est suffisante (arrêt 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 6.3).
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Les fautes commises lors de l'intervention du 28 février 2016 sont sérieuses. Par son acte, le recourant a créé le risque d'un placement totalement injustifié de sa patiente dans une institution, en faisant abstraction des conditions strictes énoncées par l'art. 426 CC pour autoriser un tel acte. Quand on prend en compte le fait que le recours contre les décisions de placement prises par le médecin ne bénéficient pas d'office de l'effet suspensif (art. 430 al. 3 CC), on prend la mesure du pouvoir ainsi conféré au médecin et du soin dont il doit en faire usage. Le fait que la patiente ait finalement décidé de suivre de son plein gré les ambulanciers et que l'ordre de PAFA n'ait pas été utilisé par ces derniers n'interfère pas sur la responsabilité disciplinaire du recourant. Dès lors qu'il a créé les conditions d'une atteinte grave à la liberté personnelle de sa patiente et qu'une simple mise en danger est dans ce contexte suffisante, sa responsabilité disciplinaire est entière. Il a en outre mis des tiers - les ambulanciers - en mesure de faire usage selon leur propre appréciation de cet ordre de placement, ce qui dénote à nouveau une grande légèreté dans le recours au PAFA. Ses actes sont volontaires et le recourant, par ses déclarations dans le cadre de la procédure, démontre ne pas avoir pris conscience de leur gravité.
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