37. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public de la République et canton de Genève, Delieutraz et B. (recours en matière pénale) | |
6B_814/2011 du 30 août 2012 | |
Regeste | |
Anspruch auf ein unabhängiges und unparteiisches Gericht, Vorführung als Ausstandsgrund? Art. 30 Abs. 1 BV, Art. 6 Ziff. 1 EMRK, Art. 56 und 232 Abs. 1 StPO.
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Sachverhalt | |
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B. B., X. et ses quatre coprévenus ont chacun formé appel de ce jugement. Le Ministère public du canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a quant à lui renoncé à faire appel et à déposer un appel joint.
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B.a Agissant en qualité de direction de la procédure, le Président Jacques Delieutraz a, par ordonnance du 10 août 2011, notamment communiqué la composition de la juridiction d'appel, ordonné l'ouverture d'une procédure orale et cité les cinq coprévenus, la partie plaignante ainsi que le Ministère public à comparaître aux débats d'appel appointés aux 28 et 29 septembre 2011.
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B.b Au cours de la première journée d'audience, le Président Jacques Delieutraz a constaté la présence de toutes les parties, procédé à l'ouverture de la procédure probatoire, auditionné les cinq prévenus et la partie plaignante. Après la clôture de la procédure probatoire, les conseils des quatre coprévenus de X. ont plaidé.
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B.c Au cours des débats du 29 septembre 2011, le conseil de la partie plaignante a plaidé le premier, concluant à ce que X. soit reconnu coupable de lésions corporelles graves. L'avocat de X. a pris la parole immédiatement après, concluant à l'acquittement de son client ![]() ![]() | |
Le Président Jacques Delieutraz a alors informé les parties qu'il entendait faire application de l'art. 232 al. 1 CPP (RS 312.0) en faisant amener devant lui X. "au motif de l'apparition de motif de détention nouveau en lien avec des charges qui se sont alourdies durant l'instruction du jugement d'appel, le risque de fuite étant accru par la peine risquant d'être prononcée. Un mandat d'amener sera décerné dans ce sens". Le Ministère public a été appelé à préciser sa position en lien avec l'application éventuelle de l'art. 232 al. 2 CPP. Invité à se déterminer également sur l'éventuel placement en détention pour des motifs de sûreté de son client de même qu'à répliquer sur le fond, le mandataire de X. a sollicité la récusation du Président Jacques Delieutraz pour apparence de prévention. Il a présenté ses arguments et exposé que les conditions d'application de l'art. 232 al. 2 CPP n'étaient pas réunies. Le Ministère public a dupliqué, puis X. s'est personnellement exprimé au sujet de la détention pour des motifs de sûreté, ensuite de quoi la direction de la procédure a décerné un mandat d'amener contre lui.
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B.d Le lendemain 30 septembre 2011, la Chambre pénale d'appel - présidée par Jacques Delieutraz - a ouvert en séance publique le dispositif de l'arrêt au fond. D'une part, elle a rejeté les appels des cinq coprévenus. D'autre part, elle a partiellement admis celui de la partie plaignante, reconnaissant X. coupable de lésions corporelles graves en sus des chefs de condamnation retenus en première instance, a révoqué un précédent sursis, l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et ordonné sa mise en détention pour des motifs de sûreté.
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B.e Statuant le 7 novembre 2011 sans le concours du Président Jacques Delieutraz, la Chambre pénale d'appel a rejeté la requête de récusation formée par X. lors des débats tenus le 29 septembre 2011.
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C. X. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision sur récusation du 7 novembre 2011 dont il réclame la réforme en concluant, sous suite de dépens, à l'admission de la demande de récusation, à l'annulation de l'arrêt du 30 septembre 2011 ![]() ![]() | |
Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale d'appel s'est référée à son arrêt, tandis que le Ministère public et B. ont conclu au rejet. Des déterminations sur déterminations ont été déposées.
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D. Le Tribunal fédéral a rendu son jugement en séance publique.
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Erwägung 4 | |
Erwägung 4.2 | |
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En matière de procédure pénale, le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer sur la compatibilité de certaines situations avec les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Il a sanctionné le cumul des fonctions de juge du renvoi et de juge du fond (ATF 114 Ia 50 consid. 4 et 5 p. 60 ss), ainsi que de juge du mandat de répression et de juge du fond (ATF 114 Ia 143 consid. 7b p. 151 ss). En revanche, le rejet d'une demande d'assistance judiciaire pour défaut de chances de succès ne constitue pas un motif suffisant pour obtenir la récusation du juge du fond (ATF 131 I 113 consid. 3.7 p. 120). Le Tribunal fédéral n'a pas non plus condamné l'union personnelle du juge de la détention et du juge du fond, les questions à résoudre étant suffisamment distinctes (ATF 117 Ia 182 consid. 3b p. 184 ss).
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Sur cette question particulière, le Tribunal fédéral a exposé que le fait que le juge du fond ait eu précédemment à s'occuper de la cause ne constitue pas à lui seul un motif de récusation, du moins lorsque les problèmes de fait et de droit soulevés restent entiers. En d'autres termes, il n'y a pas d'inconvénient à la participation à l'audience de jugement du magistrat compétent pour se prononcer sur la détention préventive lorsque l'issue du procès reste suffisamment incertaine pour qu'il n'y ait pas apparence de prévention. Il faut donc se demander quelles sont les compétences de l'un et de l'autre. Le juge de la détention doit examiner s'il se justifie d'ordonner celle-ci ou de la prolonger, soit s'il existe à la charge du prévenu des charges suffisantes de la commission d'une infraction (dringender Tatverdacht) et s'il ![]() ![]() | |
4.2.3 Au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH qui considère qu'il faut trancher de cas en cas, la doctrine, divisée sur la question de la compatibilité du cumul des fonctions du juge de la détention et du juge du fond, en particulier de la compatibilité de l'art. 232 CPP avec l'art. 6 par. 1 CEDH, n'apporte pas d'éclairage ![]() ![]() | |
4.3 Au cours des débats tenus le 29 septembre 2011, le Président Jacques Delieutraz a décerné, après les plaidoiries, un mandat d'amener à l'encontre du recourant en vue d'une éventuelle décision de détention pour des motifs de sûreté, considérant que le risque de fuite était accru par la peine encourue. La détention pour des motifs de sûreté en tant que telle n'a été ordonnée que le 30 septembre suivant, lors de l'ouverture en séance publique du dispositif de l'arrêt au fond. Il convient ainsi de distinguer entre le mandat d'amener décerné par le Président Jacques Delieutraz sur la base de l'art. 232 al. 1 CPP et la décision de détention ordonnée en application de l'art. 232 al. 2 CPP par la Chambre pénale d'appel subséquemment au verdict de culpabilité. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal fédéral qui a admis l'existence d'un risque de fuite (arrêt ![]() ![]() | |
Les conditions présidant à la délivrance d'un mandat d'amener sont prévues à l'art. 207 al. 1 CPP. En particulier, si un motif de détention pour des motifs de sûreté survient pendant la procédure d'appel, la direction de la procédure peut décerner un mandat d'amener à condition que la personne concernée soit fortement soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y ait lieu de présumer des motifs de détention à l'encontre de celle-ci (art. 207 al. 1 let. d CPP). En tant que l'art. 207 al. 1 let. d CPP pose comme préalable à la délivrance d'un mandat d'amener que le prévenu soit fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit, ses conditions d'application semblent se recouper avec celles auxquelles l'art. 221 al. 1 CPP subordonne la détention pour des motifs de sûreté. Selon cette dernière disposition, la détention pour des motifs de sûreté ne peut notamment être ordonnée qu'à la condition que le prévenu soit fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Pour autant, la délivrance d'un mandat d'amener et la décision sur la détention pour des motifs de sûreté n'assujettissent pas le juge au même pouvoir d'examen.
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Décerné en principe par écrit, le mandat d'amener peut l'être oralement en cas d'urgence et à condition d'être confirmé par écrit (art. 208 al. 1 CPP). Il contient les mêmes indications que le mandat de comparution (art. 201 al. 2 CPP) ainsi que la mention de l'autorisation expresse donnée à la police de recourir à la force si nécessaire et de pénétrer dans les bâtiments, les habitations et les autres locaux non publics pour exécuter le mandat (art. 208 al. 2 CPP). Il devra donc désigner l'autorité qui l'a décerné et les personnes qui exécuteront l'acte de procédure, la personne citée à comparaître et la qualité en laquelle elle doit participer à l'acte de procédure, le motif du mandat, pour autant que le but de l'instruction ne s'oppose pas à cette indication, le lieu, ![]() ![]() | |
En dépit de la terminologie légale qui subordonne la délivrance d'un mandat d'amener à la condition que le prévenu soit fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qui pourrait donner à penser, abstraitement, que la marge distinguant le prononcé d'un mandat d'amener de l'énoncé d'un verdict de culpabilité est infime, l'examen des circonstances concrètes présidant à l'une et à l'autre décision est fondamentalement différent. La première est très succincte et ne comporte aucune appréciation anticipée de la prévention qui aille si loin que le juge serait tenu par la suite dans l'examen de sa décision au fond par sa précédente appréciation. Pour s'en convaincre, il suffit de lire en l'espèce la motivation du mandat d'amener qui tient en trois lignes: "l'apparition de motif de détention nouveau en lien avec des charges qui se sont alourdies durant l'instruction du jugement d'appel, le risque de fuite étant accru par la peine risquant d'être prononcée". A l'instar des principes posés par la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH, on ne saurait considérer que les soupçons fondant la délivrance d'un mandat d'amener en vue d'une éventuelle détention dans l'attente du jugement au fond sont assimilables à un constat de culpabilité. Dans ce dernier cas, les magistrats examinent la réalisation des conditions objectives et subjectives d'une infraction. S'agissant d'établir la culpabilité de l'auteur, ils prennent en considération les antécédents et la situation personnelle de l'auteur ![]() ![]() | |